20 février 2006

Elfriede Jelinek

Dans les mois à venir, je fais le projet de développer ici quelques réflexions sur l'oeuvre d'Elfriede Jelinek dont la radicalité comme l'adéquation fond-forme me semblent constituer le contrepoint révélateur d'une certaine médiocrité littéraire parisienne.

De Jelinek je n'ai pour l'heure lu que deux romans : Les amantes et Lust (1989). Assez pour apprécier l'extrême originalité d'un style incisif, quasi marxiste, dont on ne ressort pas indemne.

Les amantes, l'un de ses premiers romans, publié en 1975, compte le parcours parallèle de deux femmes autrichiennes ordinaires dans les années 70, sous fond d'alpages, d'usines et d'hommes convoités.




Lust, pour sa part, dissèque le rapport conjugal avec une précision qui fut qualifiée de pornographie ratée à sa sortie, critique qui peut paraître surprenante tant le livre cherche tout sauf à emmener le lecteur dans un onirisme érotique.

<<Lust est une forte critique sociale, un exemple démontrant les mécanismes de l’esclavagisme moderne.>>


BI

La compagnie

De l'après-guerre au complot contre Gorbatchev, Robert Littell dresse le portrait d'une CIA patriote luttant sur tous les fronts (extérieurs, intérieur) contre l'ennemi soviétique. Le déplacement de l'affrontement des deux superpuissances en d'autres pays, déplacement qui caractérise la guerre froide, permet à l'auteur d'esquisser un portrait idéaliste et manichéiste certe, mais d'une certaine efficacité romanesque.
Respectant à la lettre les lois du genre, l'intrigue met en scène quelques personnages dont les histoires personnelles se lisent comme les fractales de l'Histoire, dans un balancement permanent entre micro et macro échelle.
Au final, un roman dispensable, décevant en tant que recherche historique, mais un bon divertissement.

BI

19 février 2006

Le potentiel érotique de ma femme

Récit qui se veut jubilatoire de la passion d'Hector pour les collections, de ses tentatives desespérées pour en sortir, de la révélation érotique que constitua pour le héros la vision des jambes de sa femme alors qu'elle lavait les vitres, le livre se révèle amusant, d'un humour un peu potache, parfois irritant dans ses facilités.
On pense de temps à autre au Perec de Quel petit vélo sans que le potentiel comique de l'auteur ne se révèle complètement.

BI

Hier te fera pleurer

En 1937, Chester Himes achève Yesterday will make you cry peu après avoir quitté le pénitencier d'Etat de l'Ohio où il vient de passer 7 ans pour vol à main armée. Ce récit sera finalement publié en 1952 sous le titre Cast the first stone sous une forme considérablement altérée. Cette nouvelle traduction révèle enfin le texte tel que Chester Himes l'avait conçu, c'est à dire comme l'autobiographie romancée de ces années de détention pendant lesquelles il aura à plusieurs reprises frôlé la mort et la folie. Sans aucun misérabilisme ni victimisme - les détenus n'y sont pas décrits comme des agneaux innocents - Himes évoque l'inexorable combat que mènent le souvenir et l'oubli dans un univers où seul le présent permet de tenir entre un futur trop lointain et la douleur des bonheurs enfuis.
Le tabou d'une homosexualité quotidienne est abordé sans voyeurisme ni mièvrerie au détour de deux rencontres marquantes, entre réminiscences d'une féminité inaccessible et quête de l'absolu au travers d'une amitié équivoque. Sans doute pour éviter de trop parasiter le récit par l'évocation d'une question noire qui ne constitue pas son sujet, le narrateur de Himes est blanc, comme le sont les principaux protagonistes de ce roman au lyrisme sans concession.

La première oeuvre de celui qui allait devenir l'un des maîtres du polar américain.

Le Littérroriste