27 juillet 2006

Les oeuvres complètes de Sally Mara


De Queneau, on aime l'impertinence, la liberté, le rapport ludique et sensuel avec les mots, autant de qualités qui explosent dès 1947 lorsque Raymond Queneau publie On est toujours trop bon avec les femmes sous le pseudonyme de Sally Mara. L'intrigue est simple: un acte révolutionnaire irlandais commis par quelques patriotes hauts en couleurs, enfermés sous les bombardements de l'artillerie anglaise avec une vierge anglaise qui se révelera pleine de compréhension. En 1950, Queneau sortira le Journal intime de Sally Mara, inventant après coup la biographie de l'auteur factice de son roman. Sally vit son adolescence à Dublin, entre un frère poivrot, une mère folle cuisinant jour après jour des tartes aux algues et du hareng au gingembre, une soeur tentée par une carrière dans les Postes et le souvenir d'un père parti chercher des allumettes il y a des années de cela. Entre des découvertes anatomiques dans un musée, des cours de gaëlique donnés par un poète salace, l'influence néfaste d'un gentleman français et l'exploration de l'entrejambe d'un camarade de cours, Sally fait ses premiers pas en amour comme en français. L'ensemble est jouissif, d'une invention constante.
BI

15 juillet 2006

Le musée de l'homme

David Abiker est chroniqueur dans l'émission Arrêts sur images sur France 5. Il est incisif, son ironie n'hésite pas à prendre le spectateur à rebrousse-poils. En l'occurence, le musée de l'homme est une description lucide de la déchéance de l'homme moderne, ce métrosexuel mis à mal par une société maternante où les irruptions de la masculinité sont pourchassées par des hordes de clônes de Ségolène R.
Le livre est drôle, avec un vrai courage dans la narration puisqu'Abiker decrit les péripéties de sa vie quotidienne, ses petites lâchetés, ses ratés personnels.
Le fond du livre est à rapprocher de certains écrivains estampillés néo-réactionnaires comme le regretté Philippe Muray. L'idée est de contester la vision victimiste d'une société dans laquelle tous les citoyens n'étant pas blancs, masculins et hétérosexuels définiraient des classes de victimes, divisibles à l'infini.
En ce sens, le livre est un pamphlet efficace car amusant.
A conseiller à vos amis qui lisent encore le Nouvel Obs.
BI

Testament à l'anglaise

Prix Femina étranger 95, ce roman fleuve de Jonathan Coe (qui recevra le prix Médicis étranger 98 pour La maison du sommeil) explore les méandres, les replis et les secrets d'une famille de l'establishment anglais de la seconde guerre mondiale aux années 90, avec une prédilection pour les années Thatcher. Un écrivain est chargé par une vieille tante un peu folle d'enquêter sur une illustre famille dont les membres sont infiltrés à tous les niveaux du pouvoir médiatico-politique des années 80. Ce qui passera de prime abord pour un pur hasard se révelera en bout de compte prédéterminé, les fils reliant les nombreux personnages de ce roman étant inextricablement liés. La réussite de ce roman tient à la fois dans une verve et un humour sans faille, et dans une description passionnante des années 80 en Angleterre, sujet a priori peu attractif, mais qui se révèle une trame efficace pour les agissements de personnages sans scrupules, de vrais méchants comme on les aime et comme on n'en fait plus.
Un livre fleuve, des itinéraires qui se croisent, une puissance d'évocation où la fantaisie et la précision documentaire ne se contredisent en rien.
Une réussite.
BI

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