26 novembre 2006

Le dahlia Noir

Le nouveau film de Brian de Palma a été plutôt descendu par la critique. L'adaptation du roman de James Ellroy a souvent été jugée confuse. Critique qui, pour n'importe quel véritable lecteur d'Ellroy, paraissait suspecte, tant Ellroy est justement l'écrivain de l'épaisseur, le créateur (ou re-créateur) d'une véritable complexité dramaturgique, historique et sociale. Là où la version cinéma de LA Confidential (étrangement portée aux nues malgré une simplification à l'extrème de l'intrigue) virait à l'exotisme, le Dahlia Noir oppose la vision sobre d'un film qui ne cherche pas à toucher une quelconque nostalgie des années d'après-guerre.
Le meurtre d'Elizabeth Short, s'il est central en termes de thématique et de structuration de l'oeuvre, n'y apparait en quelque sorte que comme en filigrane. Les personnages possèdent tous leur Part d'ombre, leur dualité, leurs contradictions.

BI

La mécanique des sectes


Jean-Marie Abgrall est psychologue, criminologue, spécialiste des mouvements sectaires dont il a traité nombre de victimes. Il est par ailleurs expert auprès des tribunaux pour les affaires traitant des dérives sectaires. Il a fréquemment été attaqué en justice, calomnié ou agressé physiquement pour son action. Il est à noter qu'Abgrall a par ailleurs fustigé les dérives irrationnelles des médecines douces. La mécanique des sectes trouve le ton juste entre informations, explications et théorisations. L'ouvrage s'appuie sur de nombreux extraits de textes émanant des sectes, tous plus révélateurs, voire véritablement hallucinants les uns que les autres. Un ouvrage passionnant pour ceux qui, comme nous, placent la liberté en valeur première.

BI

19 novembre 2006

La Pianiste

Comment retranscrire à l'écran le style abstrait et dense de Jelinek, son obsession quasi marxiste, sa vision d'une Autriche en voie de décomposition ? Comment évoquer les thèmes sado-masochistes de La Pianiste sans sombrer dans le sensationnel ?
Il fallait pour cela un cinéaste froid, sans effets, d'une précision clinique, Haneke excelle à ce jeu-là, son austérité ne vire pas à l'esthétisme.
Il fallait également des acteurs à même d'incarner sans volupté cette chair qui fait parfois penser à Schiele. Isabelle Huppert et Annie Girardot sont magistrales, Benoit Magimel un peu en retrait, manque un peu d'étoffe.
La pianiste est une réussite, une réussite qui laisse profondément mal à l'aise, comme les romans d'Elfriede Jelinek.

BI

Paradoxia, journal d'une prédatrice

Icône trash US (Sonic Youth, Nick Cave comptent parmi ses amis), Lydia Lunch ne fait pas dans la dentelle. Un inceste en héritage et la jeune Lydia plonge dans une vie où sex, drugs & rock'n roll ne font pas toujours bon ménage. D'amant en amant, de transgressions en escalades, Lydia finit par admettre que sa conduite n'est qu'une forme de haine d'elle-même.
Les premières pages de Paradoxia nous font hésiter, on se dit qu'une telle accumulation ne saurait définir une oeuvre, on s'accroche pour devenir un auteur, sans chichis, qui dit les choses sans trembler.

Préfacé par Hubert Selby Jr.

BI

11 novembre 2006

Transfuge


Découverte ce mois-ci de la revue Transfuge, revue dédiée aux littératures étrangères dont le n°13 résonne étrangement par rapport à nos dernières préoccupations. Au sommaire de ce numéro : Ian Mc Ewan et un dossier Sur Philip K.Dick avec notamment un texte de Dantec sur l'immense écrivain d'anticipation.
Par ailleurs, à l'occasion de la sortie du livre en poche, courte critique d'Avidité d'Elfriede Jelinek, un point de vue divergent du nôtre, mais qui prend acte lui-aussi de la puissance (pour ne pas dire lourdeur au sens positif) du style de l'autrichienne.
Un portrait d'Ed Mc Bain, le maître du polar américain dont l'épopée 87e district a révolutionné le roman noir.
Revue passionnante pour qui cherche à sortir des petites coucheries parisiennes: Graham Greene, Melville, Peter Handke, un panorama pertinent, pas trop obnubilé par la nouveauté.

A conseiller.

BI

ps: le numéro 8 était consacré à Bret Easton Ellis

03 novembre 2006

Salon de la photo

La photo est un art démocratique. L'art des classes moyennes, le hobby parfait qui englobe toutes les envies, tous les possibles. Tout le monde se veut photographe, pour des raisons diverses.
Le salon de la photo qui a ouvert aujourd'hui à Paris, salle Olympe de Gouge, est un reflet somme toute fidèle des tendances et contradictions de ce désir accentué encore depuis le passage à l'ère numérique. Le principe est de présenter au public une sélection de photographe amateurs, avec leurs univers respectifs.
Si la qualité des oeuvres est très inégale, certaines lignes de force se font néanmoins jour.
L'amateur passionné rêve encore en noir et blanc, il en sublime ainsi le quotidien.
Ainsi, très belle série sur un bouilleur de cru de Michel Julia.
Le noir et blanc permet aussi d'abstractiser la nature ou même et surtout le cadre urbain, l'urbanisme, qui interroge nombre des exposants.
Peu de photo "sociale" ou ethnologique, sortis du monde matériel magnifiquement mis en valeur par JD Lemoine dans sa série Objets convoités (accumulations marchandes au fish-eye), on cherche plutôt vers le rêve (beau Chausson Japonais de Catherine Garnier) ou la texture (cf le travail de Guy Bukovatz ou de Bertrand Fauconnier). Texture qui se trouve peut-être le seul point commun avec des artistes plus orientés vers le graphisme et l'imagerie virtuelle, pour lesquels l'acte photographique n'est que l'un des moments (et des ingrédients) d'une oeuvre mixant photo et dessin, avec un usage de la typographie mettant en valeur des textes poétiques, oniriques. Ainsi, l'oeuvre naissante d'Olivia Lenard laisse déjà poindre le talent. C'est également l'une des seules avec Lucille Botti, à aborder l'érotisme, curieux absent de ce salon.

BI