31 décembre 2006

Glamorama

1998. Bret Easton Ellis a déjà vécu plusieurs vies littéraires. Intrônisé chef de file de la nouvelle littérature américaine après un premier roman explosif (Moins que zéro), il a confirmé ce statut, s'est perdu dans une vie mêlant célébrité, sexe, alcool et drogues. Il a, enfin, écrit American Psycho, dont l'insoutenable violence et le scandale qu'elle suscita, achevèrent de faire de lui une idôle pop.
Que faire après ça ?
Revenir à ses premiers amours, la description au scalpel d'une société de l'apparence.
Victor est mannequin et passe sa vie de fête en fête, de montage de boîte en défilé. Tout le monde finissant par se ressembler à force de chirurgie, de vêtements de marque, de coiffeurs tendance, de musculation intensive et d'UV, Victor est souvent aperçu à des fêtes où il n'a pas le souvenir d'être allé.
Le roman glisse alors dans une course poursuite aux limites de l'horreur où le rapport entre réalité et fiction - thême cher à Ellis - se brouille de plus en plus, la réalité (y compris le crime) étant fictionnarisée voire produite par l'industrie de l'image.

Glamorama est un livre difficile, mais remarquable.
(pour une critique moins positive, cf deux articles dans Lire ici et là.)

BI

PS : à noter que ce roman présente de grandes similarités avec le film Zoolander qui s'en serait peut-être inspiré, en le tournant vers un comique débridé. Des infos ici.
Le film a connu une adaptation cinéma plus classique (réalisé par Roger Avery).

10 décembre 2006

Naître

Histoire d'un désastre. Prenez une brochette d'acteurs épatants (dont Carlo Brandt), des décors sobres mais efficaces, des costumes réussis dans un esprit Fahrenheit 451. Prenez un auteur en vogue, Edward Bond, dont Naître est le troisième volet d'une tétralogie, donnez la mise en scène à Alain Françon, spécialiste d'un théâtre "politique".
Prenez une salle subventionnée (le Théâtre National de la Colline dont Françon est le directeur) qui n'a pas besoin de trouver son public et secouez le tout... pendant 2h30.
On aurait aimé aimer. Bond traîte de la question de la représentation de la violence et de la guerre. Comment montrer l'horreur ?
Mais la mise en scène est lente, très lente, et la pièce est longue, très longue. La situation n'évolue plus au niveau dramaturgique pendant la dernière heure, interminable dillution d'une situation fantasmatique.
Curieusement, cette pièce, dans la même distribution, avait fait scandale au festival d'Avignon lorsque un bébé était écrasé contre des boucliers. Cette radicalité là, au contraire, fait les meilleurs moments d'une pièce dont l'ennemi principal est l'ennui.

BI

06 décembre 2006

Le baiser du congre

Ces derniers temps, le roman noir stipule que le héros de polar est de plus en plus rarement détective privé ou flic, fut-il corrompu. Plus à proprement parler d'enquête, mais un bout de vie en commun avec un personnage comme vous et moi, confronté aux évolutions, violences, contradictions et beautés du monde et des sociétés.
Ce premier roman de Del Pappas s'inscrit dans cette tendance. On s'identifie d'autant plus facilement aux tribultaions marseillaises de Constantin, dit le Grec, que sa bio nourrit de nombreuses similitudes avec celle de son auteur. On pourra s'irriter ça et là d'un sentimentalisme qui touche à la mièvrerie ou d'un portrait de Marseille digne des stéréotypes les plus courrus (les gens durs au premier abord, mais tendres au fond, la nourriture toujours excellente, le pastis à volonté...), autant de points qui rappellent les films de Robert Guédiguian. Mais comme l'auteur de Marius et Jeannette, Del Pappas possède un lyrisme rare, une force qui nous emporte page après page.

Le Littérroriste

ps: Le Baiser du Congre est son premier roman, il inaugura une saga, celle de Constantin dit le Grec que développe ensuite Del Pappas de roman en roman, en aval et en amont de la période de ce roman.