19 décembre 2007

Waiting period

Hubert Selby JR. est mort en 2004, à 76 ans. Juste avant de mourir, l'auteur de Last Exit to Brooklyn nous a offert ce roman, témoignage d'une férocité jamais entamée. Waiting period, c'est l'histoire d'un type qui veut se suicider. Nous suivons le flux de ses pensées. Le passage où il évalue les différentes façons de mettre fin à ses jours est révélateur du ton général du livre : irréverencieux, et d'un humour irrésistible. Le narrateur finira par opter pour le revolver, mais sera très déçu de constater que l'armurier lui refuse son jouet pour de sombres raisons informatiques. Désorienté, il décidera finalement de tuer quelqu'un d'autre.


Le témoignage, d'une vérité brute, de la violence et des contradictions d'une Amérique plus complexe que l'image que nous pouvons en avoir.



Et surtout, le grand éclat de rire d'un vieillard face à la mort.






BI

13 décembre 2007

Joseph Arthur à la Maroquinerie

Il est toujours déstabilisant de se rendre au concert d'un artiste dont on n'a pas suivi les derniers enregistrements. Déçu par sa dernière apparition parisienne, je n'avais pas fait l'effort de me procurer Let's Just Be, sorti il y a peu. Comme d'habitude, la Maroquinerie est un lieu à la fois attachant et frustrant : attachant parce que la configuration et l'exiguité des lieux confère un caractère intime aux concerts, frustrant, parce que l'on y est rarement bien installé, tout occupé à tenter d'éviter les poteaux qui parsèment la salle.
On découvre son nouveau groupe avec deux jolies filles (guitare et basse), un batteur et un multi-instrumentiste. Les chansons du nouvel album, inconnues de la quasi totalité de l'audience, défilent, entrecoupées de version remaniées de titres des albums précédents.

Entre ballades rock un peu banales (on ne peut s'empêcher de penser que le groupe aplatit un peu le son de Joseph Arthur), tentatives rock plus violentes et nettement plus efficaces, les meillurs moments sont ceux qui nous laissent écouter le chanteur seul. Mais, là où l'émotion naissait de mélodies poignantes lors de ses anciens concerts, Joseph semble ne plus assumer ce talent, vouloir "casser" ces mélodies, jouer un rôle, un peu à la manière de Dylan, et massacre systématiquement ses chansons en leur donnant à toute une tonalité nouvelle, moins riche et surtout systématique. Des morceaux de bravoure comme In the sun ou September Song ne parviennent pas à nous émouvoir comme ils le devraient. Commplexe rock d'un artiste qui n'avait pas besoin de nous prouver quoi que ce soit ? Toujours est-il qu'on sort de là avec une impression de gâchis, comme lors de sa dernière apparition en ce même lieu.

Restent de grands disques (Big City secrets, Vacancy, Come to where I'm from, Junkyard hearts, Redemption Song...) et quelques concerts pirates pour nous rappeler ce que l'artiste peut évoquer, l'espace de quelques accords.


BI

08 décembre 2007

Les promesses de l'ombre

Cronenberg est un cinéaste déroutant. Ses films passés mettaient en scène nos fantasmes inconscients, nos peurs cachées, notre angoisse de voir l'intégrité de notre corps (La mouche, Crash) ou de notre esprit (Dead zone, Existenz)menacée.
depuis Spider, le canadien s'éloigne de la veine réalistico-fantastique (hum...) qui le caractérisait, et renouvelle également son esthétique, évoluant vers un classicisme sobre.

Les promesses de l'ombre apparaît comme le second volet d'un diptyque initié par A history of violence, qui traîtait déjà de la violence physique, de son expression brute et était déjà interpreté par Viggo Mortensen.

La mafia russe, ses secrets cachés, ses déchaînements soudains...
Cronenberg excelle à filmer ce qui n'est pas ou rarement montré, c'est même l'une de ses ambitions.

Le film est beau, dans sa photo comme dans ses ambiances, mais l'interprétation un peu outrée de Vincent Cassel (dans le rôle du fils de parrain aux pulsions homosexuelles non assumées) et un scénario trop linéaire laisseront les fans de la première heure sur leur faim.


BI

02 décembre 2007

Grammaire des immeubles parisiens

Lorsque l'on arpente Paris, on a souvent les yeux baissés, occupé à trouver son chemin sur le bitume entre crottes de chien chères à Chirac et salariés pressés de rejoindre un métro.

Grammaire des immeubles parisiens propose de lever la tête et de s'intéresser à aux immeubles "communs", à ceux qui bordent les rues et places de notre quotidien.

On pourra ainsi apprendre à identifier les époques de construction, comprendre l'influence des réglements d'urbanisme sur les façades, mémoriser quelques noms d'architectes. L'ouvrage de Claude Mignot, professeur à la Sorbonne, est abondamment illustré, ne manquent peut-être que des plans : l'immeuble y est avant tout étudié en termes de façade sur rue, c'est à dure en tant que décor urbain.
Avec ces limites, c'est un livre complet et très bien réalisé.

BI


22 novembre 2007

Orgueil et préjugés

On ne sait finalement pas grand-chose de Jane Austen, en dehors de sa production littéraire. Orgueil et préjugés a le parfum suranné de vieilles lettres d'amour parfumées que l'on retrouverait au fond d'un coffret oublié. La préoccupation des jeunes filles de la noblesse et de la bourgeoisie y est entièrement tournée vers le mariage, qui se doit d'être un beau parti, mais dans lequel les sentiments ne sont pas absents. Les filles attendent jour après jour qu'un homme, beau et riche si possible, s'intéresse à leur cas. Les occasions sont rares, la communication lente. Pas de téléphone, on s'écrit, en espérant que les courriers suivront leurs destinataires à travers leur périple de jeunes gens passant de propriété en propriété à travers l'Angleterre. Des destins se jouent sur quelques répliques au cours d'un bal, des vies se brisent sur des malentendus, car on se doit de se marier jeune ou de finir vieille fille.
Tout fini bien, évidemment, dans ce roman délicieusement misogyne, régulièrement adapté au cinéma.


BI

20 novembre 2007

Weegee

Photographe du fait divers, Weegee, alias Arthur Fellig fut le témoin quotidien de la montée de la violence dans les Etats-Unis de la Prohibition. Gangsters assassinés gisant à même le sol, corps carbonisés encore au volant.... des instantanés qui forment un morceau d'histoire. Weegee avait aménagé sa voiture en labo ambulant, il y passait de longues nuits à l'affût. Qui fait encore ça ?

On retrouvera le catalogue de l'exposition du musée Maillol (hélas close) aux éditions Gallimard.


BI

18 novembre 2007

Secret sunshine

Le pathos à l'extrême. Quand l'accumulation des malheurs du personnage principal (une jeune veuve retournant vivre dans la ville natale de son époux) nuit à toute notion de vraisemblance. Quand la longueur des plans n'apporte aucune poésie. Quand le scénario souffre d'une paresse sans égale.
Le genre de film qui trouvera grâce auprès de certaines soi-disant élites parisiennes, un exotisme de façade .... pour pas grand-chose.
Secret sunshine est un film .... dispensable
BI

08 novembre 2007

Eleanor Rigby

Dernière livraison (en France du moins) du canadien Douglas Coupland, catapulté icône grunge dès son premier roman Generation X (1991), Eleanor Rigby n'a pas seulement emprunté à la perle pop des Beatles son nom. Obsédé par la communication, les mass médias et la société de consommation, Coupland lui-aussi glisse peu à peu, au fil de la parution de ses romans, vers des thêmes plus intemporels, comme la mort et la transmission.
Inutile de raconter ce livre (dans lequel, au final, il ne se passe pas grand-chose). Disons seulement qu'une quadra très enrobée à la vie réglée et ennuyeuse voit un jour un fils d'une vingtaine d'années débouler dans sa vie.
Ce qui fait la force de Coupland, c'est sa facilité à rentrer dans les personnages, dans leurs travers, leurs défauts, leur humanité, sa capacité à nous faire comprendre leur point de vue, sans moralisme, et avec une bonne dose d'humour.
BI

21 octobre 2007

Fetish by Lynch/Louboutin

Belle exposition : David Lynch photographie des chaussures fétichistes de Christian Louboutin. Par le recours à une double exposition quasi systématique, Lynch recrée l'atmosphère onirique de ses films. Chaussures in-marchables, sans doute, mais peu importe, ce n'est pas là leur fonction. Révélées par la plastique de deux danseuses du Crazy Horse, les créations de Louboutin donnent à rêver. L'exposition se tient à la galerie du passage, et les clichés sont en vente.

BI

This is England

Chronique de la dérive d'un pré-adolescent dans les années Thatcher, sous fond de guerre des Malouines (les Falklands).
Les acteurs sont amateurs, le réel s'immisce partout. Le scénario, autobiographique (le réalisateur, Shane Meadows est un ancien skinhead), donne au personnage principal, Shaun, un père tombé à la guerre. Il est interprété par un acteur dont la mère était mourante durant le tournage (le film lui est dédié).
On pourra se demander une fois de plus pourquoi nous sommes incapables de produire de telles fictions en France, des films au contenu fort, de vrais sujets sociaux, politiques, historiques. This is England aurait pu sombrer dans la caricature, il n'en est rien. La culture skinhead y est approchée dans sa globalité : les liens avec certaines cultures métissées puis la dérive vers un nationalisme qui propose des solutions simples à des problèmes complexes (le chômage).
Le film se termine par un accident tragique et la rédemption de Shaun, l'idée qu'un drame peut se révéler positif.
Un très beau film
BI

Initiation à la franc-maçonnerie

Si comme moi vous vous intéressez à la franc-maçonnerie, si vous souhaitez tenter d'y voir clair entre ésotérisme de façade, club de réflexion et réseaux affairistes, ce livre donne - de l'intérieur - une vision synthétique de la franc-maçonnerie, tant au niveau de ses origines historiques que de sa réalité actuelle.

Quelques reproches : certains chapitres se résument à deux phrases très générales (on imagine que cela est souhaité, dans une optique franc-maçonne où les choses ne sont pas données en bloc, mais où des indices sont censés permettre au lecteur d'engager une réflexion personnelle), le livre manque d'illustrations - qui auraient été utiles pour analyser la symbolique des loges, et surtout, l'ouvrage pêche par un manque de sens critique et de documentation sur les periodes troubles de la franc-maçonnerie (les franc-maçons illustres sont cités mais rien, par exemple, sur la loge P2).

BI

L'âge des ténèbres

Denys Arcand n'a pas une vision propre de l'esthétique cinématographique. Nul discours théorique, nul vocabulaire original. Son dernier film n'a, de ce côté-là que peu d'intérêt. On y cherchera vainement la moindre trace de volonté picturale. L'intérêt de l'Age des ténèbres est autre : le film propose la vision cauchemardesque (cauchemardée?) de l'extension du politiquement correct et de sa novlangue comme dirait Dantec, dont on comprend mieux, à la vision du film, l'effroi (cf son journal) devant la société québecquoise.
Le film relate la dérive d'un fonctionnaire de l'administration québecquoise : Jean-Marc se réveille un jour et constate qu'il est passé à côté de sa vie, entre une femme obnubilée par ses performances professionnelles, des enfants indifférents, un travail auquel il ne croit plus, une maison en banlieue qui l'oblige à passer son temps dans les transports. Il s'évade en pensée, peuple ses fantasmes de stars inaccessibles. Mais le quotidien et son absurdité (les scènes au cours desquelles il reçoit des accidentés de la vie sont savoureuses), la mise en place d'une pensée et d'une langue politiquement correctes dont l'humour est absent, tout cela le poussera à rompre avec sa vie, à tenter d'échapper enfin, si c'est encore possible, à cette mise en place d'une morale totalitaire au sens propre du terme.


Un film imparfait mais qui donne à penser.


BI

24 septembre 2007

La chouette aveugle


Sadegh Hedayat s'est suicidé à Paris le 9 avril 1950 après une vie toute de modestie, d'indépendance, de discrétion. La vie de souffrance d'un être qui n'acceptait pas les compromis.
Difficile, lorque l'on ne connait pas la littérature persane, de décrypter la richesse d'une oeuvre qui met en jeu des concepts et des images qui nous sont inconnus. La chouette aveugle est un texte baigné de désespoir, un désespoir qui emprunte ses armes au fantastique (on pense à Poe), à l'horreur (Lovecraft) ou à la poésie symboliste.
Entre rêve et réalité, un voyage dans un espace-temps beau mais parfois hérmétique.

BI


23 septembre 2007

Vampirismes germanopratins

Nous avions descendu en flêche L'enfant d'octobre de Philppe Besson, sorte de récit romancé de l'affaire Grégory. Cette semaine, Philippe Besson a été condamné à verser des indemnités à la famille Villemin. Cette condamation intervient dans le contexte d'une multiplication des actions en justice d'acteurs volontaires ou involontaires de faits divers contre des écrivains souvent parisiens, qui tendent à faire passer leur vision personnelle de ces affaires pour des enquêtes journalistiques, des compte-rendus de la vérité. Véritables équivalents de la docu-fiction qui s'est emparée du petit écran, ces livres démontrent une fois de plus l'absence totale de fond de nombre de nos écrivains mondains. Quand on ne vit rien d'intéressant, difficile de parler de soi (certains restent néanmoins braqués sur leurs nombrils "engagés"), alors pourquoi ne pas parler des pauvres et se prendre le temps de quelques pages pour un Zola moderne ?
L'inénarrable Mazarine ne s'en est pas privée avec son "cimetière des poupées", où elle se permet de fantasmer l'histoire de Véronique Courjault, cette mère infanticide qui conservait ses enfants dans un congélateur.
Bon appétît.
BI

18 septembre 2007

Rock'n'roll

Comment exposer la musique ? Comment donner corps à un art éminemment abstrait? L'écueil est rarement évité, on se retrouve souvent face à une collection d'objets autour de la musique mais ne disant rien de son essence. Suivant les cas, on défile devant des pochettes de disques, des instruments, des tenues de scène.... l'exposition Rock'n' roll que propose la Fondation Cartier ne déroge pas à la règle. Fétichisme des objets, des pochettes, du look des années 50. Chromes, blue suede shoes, micros vintage... tout cela ne dit pas grand chose de la musique.
Heureusement, des casques sont disséminés sur les murs, nous permettant de nous immerger dans le son d'une époque.
Tout ça manque de fond. Un film, amusant, est présenté, cnesé, à l'image de l'exposition, nous expliquer les débuts du rockn' roll. Mais c'est presque à une génération spontanée à laquelle on a droit. Très peu d'explications sur les origines, presque rien sur la dissociation entre les hit-parades noirs et blancs et la récupération des musiques noires par des artistes blancs (il aurait fallu rappeler que pendant les années 50, les noirs américains vivaient encore une ségrégation comparable à celle des sud-africains plus tard), quelques inexactitudes (le rock'n roll dérivé des gospels, et étrangement rien sur le blues)...
En bref, une exposition un peu légère à tous points de vue.

BI

08 septembre 2007

Friendly fire

Au premier abord, les chansons de Friendly Fire paraissent suaves, presque mièvres. On reconnait quelque chose dans la voix, une parenté très pop. Peu à peu, les mélodies se complexifient, un dose d'ambigüité s'immisce, une fantaisie très second degré.


On aimerait en dire du mal, ranger l'artiste au rayon des fils de..., mais tout cela respire l'intelligence et l'humour.

Sean Lennon nous sert au final un album envoutant, dont les titres, entre héritage familial (la voix rappelle parfois vraiment celle de John) et collaborations francophiles (l'Eclipse avec M., en bonus sur l'édition française) ne nous quittent pas, rythment nos jours d'une mélancolie douce.

Le bonheur d'être triste : le fado ou le blues à la sauce Sean.

BI

PS: le CD est accompagné d'un DVD des clips des chansons, sorte de fantaisie homemade, truffé d'apparition de people amis, dans un climat très cirque.



02 septembre 2007

Boarding gate

Le genre de film que vous allez voir alors que tout le monde vous en dissuade, et peut-être pour ça. Malheureusement, cette fois-ci, vous auriez mieux fait d'écouter vos amis.

J'ai un problème avec le cinéma d'Assayas. Cinéma très parisien, prétentieux, creux, dénué de chair; Cinéma poseur, esthétisant sans jamais éveiller la moindre sensualité. Destroy de pacotille, overdoses sur papier glacé, meutres sans émotions.

Comme toujours, disparition de la figure masculine : les hommes sont tous lâches et les femmes doivent mener l'intrigue. Ce qu'elles ne font pas non plus.

Plans interminables (on voudrait sans doute se rapprocher d'un certain cinéma d'auteur mais l'ennui ne fait pas la Nouvelle Vague), accumulation de clichés dont Assayas est coutumier (pourquoi ses personnages et leurs dialogues sonnent-ils toujours faux, comme sonnaient faux les discussions autour/avec les labels dans Clean ?).

Asia Argento joue toujours le même rôle de la fille camée, vénéneuse-mais-qui-au-fond-a-des-sentiments. Michael Madsen (Kill Bill, Reservoir Dogs) ne parvient pas à donner de l'épaissseur à son personnage.

Une intrigue (une histoire de came) sans intérêt, quelques jolies filles mais pas Maggie Cheung.

Un désastre. Seule chose à sauver (et c'est assez rare dans le cinéma français mais peut-on encore parler de cinéma français dans cette coproduction mondialisée) : la photo.

BI

19 août 2007

Le monde du blues

Même pour le passionné de blues, il peut paraitre difficile de rentrer dans cet ouvrage. Paul Oliver y retrace l'existence, pour ne pas dire l'histoire, des noirs américains, illustrant ses propos des textes de chansons enregistrées. Il faut donc avaler ce livre sans trop d'arrêts, laisser l'histoire nous submerger, assister à la révélation d'atrocités (le Klan) , d'anecdotes... Le livre est écrit au début des années soixante, alors que les noirs américains, théoriquement libres, vivent une situation d'apartheid, que le free jazz entame la révolte, et que Martin Luther King prêche la résistance non-violente. D'histoires de bordels à la vie en prison, de femmes infidèles aux joueurs de cartes, on assiste au passage d'une société rurale (le Sud) à une société urbaine.
Le monde du blues est un livre majeur, sans aucun angélisme - il n'y a pas les gentils noirs et les méchants blancs -, mais parfois entaché des préjugés de son époque. L'homosexualité y est ainsi décrite comme un vice d'une gravité extrême, ce qui, rétrospectivement, nous montre le chemin parcouru et signale comment le victimisme de certaines minorités actuelles est proche du ridicule.

On peut regretter qu'il n'y ait pas (à ma connaissance) d'édition de l'ouvrage accompagnée d'un CD des blues cités, ce qui permettrait d'entreprendre ce long voyage en musique.

BI

15 août 2007

Qui connaît Madame Royal ?

Eric Besson, économiste socialiste chargé du chiffrage du programme de la candidate, a quitté le navire avant qu'il ne sombre, dénonçant l'incompétence, la démagogie et l'autoritarisme de celle qui se voyait comme la mère de tous les français (j'ai déjà glosé sur ce vocabulaire néo-pétainiste).

Le livre publié par le Seuil regroupe des entretiens avec Claude Askolovitch (Nouvels Obs), qu'on ne peut pas taxer d'anti-socialisme primaire.

Nous sommes quelques-uns à avoir échappé in extremis au vote Royal, à avoir ressenti un vrai malaise devant une candidate dont nous soupçonnions qu'elle était tout autre chose que ce qu'elle voulait nous présenter.

Besson nous révèle l'ampleur du malaise au sein du PS. Il parle finalement moins de Royal que du clivage entre son équipe et le reste du Parti Socialiste. Entre la figure d'un Hollande incapable de trancher, les vieux amis qui poignardent Besson dans le dos, les mensonges à répétition de la candidate, ses bourdes révélatrices, l'entretien complète utilement La femme fatale que nous avons chroniqué ici.

Dans Qui connaît Madame Royal ? Besson met spécifiquement l'accent sur la prétention participationniste de Royal, et la manière dont tout cela n'a servi qu'à justifier un discours pré-établi. Besson finira par démissionner, songera à se retirer pour toujours de la politique, avant d'être accueilli par le camp d'en face, comme beaucoup d'autres.
Jamais candidat socialiste n'aura suscité une telle désaffection des intellectuels, dans un pays où, pourtant, ne pas être de gauche est considéré comme un manque de gout lorsque l'on paye l'ISF.

BI

ps: vidéo de Besson sur son livre

06 août 2007

Sweet sixteen

Sweet sixteen est un parcours sonore. Vous embarquez au palais de Tokyo, muni de vos écouteurs, pour un voyage à travers le XVIème arrondissement (image) contredit par une succession de fragments sonores (bande son) issus du XVIIIème arrondissement. Les enregistrements sont nés d'ateliers réunissant des jeunes des quartiers de la Goutte d'Or et de la Chapelle. Ca pourrait être intéressant, malgré le parti-pris un peu...cliché (ah comme ces quartiers chics sont morts, écoutez comme les quartiers populaires sont vivants!), mais ça ne marche pas très bien. Pourquoi ? Tout d'abord les fragments sonores ne sont pas d'une grande originalité : interviews d'habitants, thématiques rebattues, raps communs se succèdent le long d'un parcours trop long. Ensuite et surtout parce que le procédé n'est pas poussé à fond, que le contraste n'est pas assez fort, pas assez caricaturé. Le lien entre le parcours et le son est plutôt ténu, les lieux visités n'ont pas grand-intérêt et n'entrent pas en résonance avec le son. On en sort un peu déçu, déçu de tant de conformisme dans un domaine où l'imaginaire a souvent été convoqué avec succès par des artisans du son comme Pierre Henry.

BI

ps: comment illustrer le son ? Par une photo prise le long de l'itinéraire, à défaut de mieux.

02 août 2007

A la cadence de l'herbe

Thomas Mc Guane est un auteur rare. Finies les collaborations avec le cinéma, il vit aujourd'hui retiré dans son ranch au milieu des chevaux et des vaches. L'alter-ego de Jim Harrison a toujours ce talent pour décrire la dérive de ses personnages, leurs incertitudes, leurs contradictions. La fin d'une époque et de ses valeurs (les pionniers, les ranches...) , la montée des flux financiers... les usines ferment, les couples explosent, les secrets de famille se révèlent.
L'auteur de Panama sait mieux que quiconque ce qui se cache derrière les mythes, de quoi sont faits les hommes.

Un grand livre

BI

29 juillet 2007

Persepolis


Adaptation de la bande-dessinée de Mariane Satrapi, Persepolis retrace l'itinéraire personnel d'une jeune iranienne, entre révolution, guerre Iran-Irak, exil en Europe, tentative de retour au pays et exil final.
Les graphismes sont somptueux, les personnages attachants (la verve de la grand-mère incarnée magistralement par Danielle Darrieux).
S'il était peut-être une erreur de confier les voix françaises à des actrices aussi connues que Chiara Mastroïanni et surout Catherine Deneuve (qui, à l'instar de Depardieu, finit par imposer son image plutôt que celui de ses personnages), cette légère gêne disparait vite pour nous laisser nous plonger dans ce film plein d'humour, de bruit et de fureur, film qui se termine sur une note trsè mélancolique.
On reste surpris devant le peu de récation de l'Iran à ce réquisitoire sans faiblesse contre le régime iranien. Une ode à l'amour, à l'ivresse des sens, à l'âme perse.

BI

20 juillet 2007

Media Crisis

C'est dans le contexte de l'arrêt de plusieurs émissions emblématiques d'une certaine idée critique - mais aussi quelque peu égocentrique - de la télévision (une certaine tendance à ne plus parler que d'elle-même), que ressort le livre de Peter Watkins. Il fallait bien que je sois attristé par la disparition d'Arrêt sur Images (Daniel Schneidermann, David Abiker et quelques autres dont une ravissante journaliste russe dont le nom m'échappe) pour délaisser un roman de Thomas Mc Guane. Peter Watkins est un cinéaste engagé, plutôt proche des milieux altermondialistes et pacifistes. Depuis les années 50, il a à son actif plusieurs films qui mettent en question la structure narrative filmique et la scission fiction/documentaire. Son oeuvre est à la fois reconnue (de nombreux prix de par le monde) et censurée (puisqu'elle vise à contester le langage télévisuel, à proposer des manières alternatives de créer du contenu.
Media Crisis se veut une mise à plat de ses idées en matière de médias, de structures narratives, de censure...
Malheuereusement, le duscours ne sort pas des généralités. Watkins a développé un concept, celui de la Monoforme, qui est selon lui une forme narrative unique qui truste les médias et impose une vision antidémocratique et violente des rapports humains. Mais jamais Watkins ne rentre en détail dans le fonctionnement de cette structure, dont on crois comprendre qu'elle est basée sur un découpage très fragmentaire (ne pas laisser le temps de penser), un son qui prend au corps (immersion, impossibilité de se distancier), un formatage des durées des films et émissions qui impose indirectement des structures narratives redondantes.
Un discours un peu paranoïaque qui ne va pas assez au fond des choses pour nous convaincre de sa - probable- pertinence.

Les exemples donnés sont en revanche assez révélateurs - cf le cas d'Arte - d'une arrogance des programmateurs et de la confusion qui règne entre politiques et diffuseurs.

BI

15 juillet 2007

L'avocat de la terreur

Le documentaire de Barbet Schröder a l'intelligence de nous amener aux conclusions qui s'imposent sans forcer. La forme filmique qu'est le documentaire ne peut, on le sait, accéder à une quelconque prétention d'objectivité. Le choix des plans, des archives, l'ordre des séquences, leur découpage, les focales, l'absence ou la présence de voix off... tout cela façonne une vision personnelle. Mais ce qui fait la force du film de Schröder, c'est d'entendre les protagonistes de l'histoire de Jacques Vergès s'exprimer directement, expliciter les liens qui unissaient l'avocat à l'extrème gauche pro-palestinienne comme à l'extrème droite suisse. On connaissait la tradition antisémite de l'extrème gauche française, le film nous apprend comment les nazis européens et les gauchistes allemands ont collaboré dans les années 70, comment ce beau monde a combattu Israël, encouragé le terrorisme "de libération" arabe. On entend, interloqué, Vergès justifier les attentats au nom de la guerre, confondant sans doute les agresseurs. Extension de la lutte au monde entier, délire paranoïaque d'un enfant de la colonisation pour qui il faudra lutter et tuer tant que les crimes coloniaux ne seront pas reconnus. Tuer à l'autre bout du monde : nous contre tous, ils sont tous coupables... Autres temps: procès Barbie: la défense de l'accusé est financée par un ami nazi suisse. Au final, seuls quelques terroristes repentis sont lucides sur ce qu'a été cette période. Les intellectuels de gauche français (et notamment les maos et l'entourage de Sartre) n'ont visiblement pas fait leur mea culpa, (y compris celui qui a joué un rôle dans mon parcours universitaire NDLR), parlent avec détachement et humour de Vergès et de ses dérives.
Un document exceptionnel, à voir d'urgence.

BI

25 juin 2007

La femme fatale

Une affaire d'instinct...
Début des années 80, nous sommes adolescents. Poniatowski déclare, peu avant la présidentielle de 81 que si Mitterrand est élu, les chars russes débarqueront à Paris sous 15 jours.
La droite française est réactionnaire, coincée, puritaine, familiale, militariste.
Un saut dans le temps...
2007, la gauche française a changé. Elle a mis à sa tête une femme qui n'aurait pas dénoté dans ce cortège de mémères emperlousées prônant la famille nombreuse, la victimisation, le judiciarisme permanent, le "redressement" des enfants en camp militaire.
Cette femme porte une étiquette, un Post-It siglé PS.
Tu te retrouves dans des dîners où l'on te dit vouloir "s'abstraire de la personne et voter pour une étiquette". Les choses sont claires.
Ségolène Royal met en scène son personnage sous fond d'autoritarisme et de culte de la personne, ce qui, ajouté aux références militaires, à l'obsession familiale et à un fort catholicisme occulté, définit un profil type assez peu progressiste, aux relents pétainistes voire poujadistes.
Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin sont journalistes au Monde. La femme fatale relate mois après mois l'ascension de Ségolène Royal, sa stratégie, ses mensonges, ses rancunes. Le livre confirme l'impression diffuse qui filtrait au travers de l'opacité du dispositif d'une candidate dont la campagne fut, en grand secret, la plus marquettée de l'histoire de la politique française. Le produit, la marque SR, vendu comme des savonnettes au gré des enquêtes d'opinion. "Vous avez raison" comme seul discours d'une candidate méprisant ses adversaires mais aussi le Parti Socialiste. S'éffondre également le mythe d'une candidate qui aurait été attaquée par les médias: on constate au contraire à quel point la presse fut indulgente pour une campagne littéralement sans fond, soutenue par une inteligentsia parisienne en mal d'idées (BHL).
Le livre se lit comme un roman mais aurait peut-être mérité quelques développements supplémentaires sur certains épisodes de la campagne ségoléniste.

BI

16 juin 2007

Newsweek

Pour ceux d'entre vous qui lisent l'anglais, le numéro de Newsweek daté du 4 juin comporte quelques articles intéressants au premier rang desquels une étonnante apologie de la France par Bill Maher dans un article intitulé Hillary Equals France. Une fois de plus, il semble que la vision monobloc que nous avons en France des États-Unis soit loin de refléter la complexité de ce pays, qui est, rappelons-le, mon pays natal. On trouvera par ailleurs un reportage sur l'ouverture du nouveau musée du Bauhaus à Dessau et un article-bilan du Festival de Cannes mentionnant notamment Le Scaphandre et le Papillon de Schnabel avec Amalric dont on apprend que le rôle devait initialement être tenu par Johnny Depp. Enfin, le magazine US clot sur un entretien avec Richard Rogers (Designing the future). Le co-auteur du Centre Georges Pompidou, qui vient de recevoir le Pritzker Prize (l'équivalent du prix Nobel pour l'architecture), est depuis quelques années conseiller du maire de Londres pour l'architecture et l'urbanisme. Il explique brièvement sa conception d'une ville plus écologique.

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12 juin 2007

Le scaphandre et le papillon

En décembre 1995, Jean-Dominique Bauby est victime d'un accident vasculaire qui le plonge dans le coma. Lorsqu'il se réveille, le journaliste est immobilisé, entièrement dépourvu de fonctions motrices. Seul son oeil gauche bouge encore. Passés les premières semaines de désespoir, il entreprend d'écrire un livre sur son expérience, clignant de l'oeil alors qu'une thérapeute lui récite l'alphabet. Le titre de ce livre "le scaphandre et le papillon", décrit la manière dont Bauby voit son "lock-in syndrom": la vie d'un scaphandrier (la notion de champ et de hors champ est évidemment primordiale puisqu'il ne peut tourner sa tête) autour duquel tournoie un papillon.
Le sujet est anti-cinématographique par excellence. Amalric doit incarner un homme sans mouvement. Le jeu d'acteur se limite au mouvement d'un oeil, d'une paupière, et à la tonalité d'une voix off. Le film se déroule entièrement dans l'hôpital où Bauby repose. Visites de sa femme et de ses enfants, visions épiphaniques de la beauté d'une infirmière... Julian Schnabel réussit le tour de force de rendre à la vie cet homme, de lui rendre hommage, par une grande inventivité cinématographique et picturale sans pathos inutile. Un hymne à la vie et aux femmes.

BI



10 juin 2007

L'immeuble Yacoubian

Un peu à la manière du Georges Pérec de La vie mode d'emploi, Alaa El Aswany nous peint le portrait d'une époque égyptienne (celle des années 90) au travers de l'existence de personnages liés à la vie d'un immeuble du Caire. Existences croisées, destins parallèles. Nostalgie d'un âge d'or où l'Egypte accueillait des exilés de tous pays... Francophilie, références à Piaf. On pense à Dalida, à Claude François.
Hommage à la liberté, à l'hédonisme mais aussi description de la montée de l'intégrisme. Ces thèmes, comme celui - très tabou- d'une homosexualité pourtant omniprésente dans une société où les hommes et les femmes ne se croisent plus guère, sont abordés par le biais de l'histoire de personnages individuels, ce qui évite au livre tout didactisme. Dans son essai l'art du roman, Kundera décrivait le roman comme le lieu du doute et de la complexité, tout le contraire de l'oeuvre "engagée", "à message".
Par cette fresque attachante, drôle et émouvante à la fois, l'auteur réussit mieux que tout discours à nous faire partager ses valeurs.

BI

17 mai 2007

Asiles de fous

Régis Jauffret connait actuellement un grand succès en librairie avec ses Microfictions. Asiles de fous, son ouvrage précédent(2005), a reçu le prix Femina.
Le roman est l'histoire d'une rupture, d'une rupture lâche, racontée à travers ses différents protagonistes : la femme que l'on quitte, l'homme qui s'en va mais aussi ses parents qui joueront un rôle pervers.
Ecriture directe, les névroses s'épanchent. On pense beaucoup à Elfriede Jelinek, pour ses descriptions sans appel de la décomposition des familles et des couples. Noir, c'est noir: pas grand-chose à sauver chez les personnages de Jauffret. Ce qui le sauve et nous tient le temps de la lecture au dessus de ce cadavre puant, c'est un humour desespéré, une distance vis à vis de l'horreur, mais c'est aussi ce qui nous rend ces "monstres communs" très distants.

BI

13 mai 2007

The air is on fire

David Lynch s'expose à la Fondation Cartier à Paris. Ses dessins, peintures et photomontages décrivent les obsessions quasi immuables de l'artiste. On retrouve ludiquement des fragments d'idées, d'images qui renvoient à la filmographie du réalisateur. Le portrait de Lynch qui se dégage de l'exposition est celui d'une homme qui n'a cessé de courir après son moi, un homme aux identités fragmentées, aux fantasmes finalement assez proches de ceux que pourrait avoir le serial killer d'un roman de James Ellroy comme le révèlent les photomontages de corps démembrés et réassemblés (Distorted Nudes, 2004).
Mais ce qui prédomine ici, c'est surtout un humour noir permanent dont ses toiles donnent les plus beaux exemples.

BI

06 mai 2007

Nuage rouge

Nuage rouge est le récit d'un fait divers simple et sordide, celui d'une tentative de viol et de l'émasculation de l'agresseur. Mais ici, nul intérêt pour l'horreur, nulle lamentation. Car ce fait divers n'est que le prétexte à explorer la langue et le romanesque. Christian Gailly - dont on avait par ailleurs admiré le roman suivant Un soir au club - c'est un peu un Christian Bobin qui aurait remplacé l'eau bénite par du whisky et les grandes orgues par un quartet de jazz. Tentative proche dans la volonté de retrouver une langue débarrassée de ce qui n'est pas indispensable, ce qui n'exclut pas, au contraire, la notion de bruit (on retrouve là une idée présente dans le free jazz).

Autre parenté: celle de Modiano (le héros de Nuage rouge est d'ailleurs bègue jusqu'à la survenue du drame). Poésie, simplicité de l'intrigue, lenteur de la narration.

Le livre aurait pu tomber dans les travers habituels du roman français actuel, à savoir un nombrilisme total, mais ici, le particulier renvoie à l'universel, à des petites choses que l'on ressent tous, des petits bouts de pensée qu'on a tous effleurés.

Au final, un livre superbe, un auteur, un style.

BI

18 avril 2007

Comment draguer la militante dans les réunions politiques


Lassé des affrontements sans saveur de Nique-là Saque-là Aussi., Ségo La Hyène Royale, France Baille-Roux ? Etienne Liebig a la solution pour vous redonner goût à la politique. Sous titré justement Guide de survie en période électorale son dernier ouvrage perpétue une tradition bien gauloise, qui tente de concilier humour et érotisme. Comment draguer la militante est d'ailleurs édité par La Musardine, honorable maison spécialisée en débauches en tous genres. Vous y apprendrez avec bonheur comment communiquer avec les militantes de tous bords. Arriver à ses fins suppose bien-entendu de la ruse, de l'astuce et pas mal d'abnégation. Etienne Liebig n'ira pas au bout de son combat, pusiqu'il se contentera de cyber-sex avec la militante du Front National, à la fois heure de gloire et limite de son itinéraire érotique.

Livre conseillé pour ses portraits à la hache des us,coutumes, manies et idées toutes-faites de partis politiques qui apparaissent avant tout comme des lieux de sociabilité, de rassemblement, d'identité.


BI

07 avril 2007

Livraison de revues littéraires

Dans Transfuge n°15, un entretien de Jay Mc Inerney avec Frédéric Beigbeder, concernant le dernier roman de Mc Inerney, La belle vie. Le dernier Jelinek par Bégaudeau, une interview de George Pelecanos, et un dossier sur la littérature indienne contemporaine.








Inculte "revue littéraire et philosophique": revue publiée en format de poche . Le dernier numéro (7) est particulièrement jouissif, avec notamment l'omniprésent François Bégaudeau (Canal+, Transfuge...) pour un bel article au titre mystérieux : Pour une PQD. On y trouve également des collaborations comme celle de Douglas Coupland, qui nous relate sa découverte de l'Australie.






Enfin, l'Atelier du roman (n°49 de mars 2007) rend un bel hommage collectif intitulé Après la fête à Philippe Muray, un an après sa disparition.


BI

La belle vie

Le dernier roman de Jay McInerney s'ouvre dans la futilité de la vie de deux couples upper class new-yorkais (dont Russell et Corrine, le couple que suit McInerney depuis Trente ans et des poussières). De signes d'appartenance à leur caste en frustrations personnelles, Mc Inerney dissèque la crise de la quarantaine avec précision.
Puis vient le 11 Septembre. Confrontés à la mort, les personnages se trouvent soudainement prêts à faire le grand pas, à tout laisser au bord du chemin, à partir vers ce qui les anime vraiment. Près des décombres fumants, alors que les cadavres passent dans leurs sacs plastiques, les émotions renaissent, le désir avec et l'adultère a comme un goût de sacrilège.
Mais la pesanteur du quotidien reprendra ses droits et les new-yorkais, qui s'étaient vus meilleurs, plus humains, plus justes, plus vrais, pendant quelques mois, renonceront à leurs rêves.
La belle vie est un roman profond, qui ne peut que nous interroger individuellement sur notre parcours, notre renonciation à nos idéaux.

BI

22 mars 2007

Le pingouin

Récit à mi-chemin entre naïveté poétique et satire socio-politique, le pingouin relate l'histoire d'un écrivain raté, petit journaliste ukrainien, qui s'attache la compagnie du pingouin Micha pour survivre à une rupture amoureuse. Mais la vie n'est pas simple à Kiev, et Victor accepte de rédiger pour un quotidien des notices nécrologiques un peu particulières, leurs sujets n'étant pas encore décédés.
Peu à peu, le vide se fait autour de Victor, dont les amis comme les sujets d'articles tombent comme des mouches alors que la Mafia du coin s'entiche de l'écrivain.

Le style d'Andreï Kourkov est limpide, le livre se lit comme une gourmandise à l'arrière goût acide.

BI

20 mars 2007

C.O.E.D feat Sheila E

1987, tu es encore un adolescent, malgré tes cris d'horreur ta copine écoute The Cure et se maquille comme un zombie. Toi, tu viens d'acheter Sign Of the Times, le double album bricolo et génial de Prince. Sheila E., qui l'a accompagné très tôt (le single explosif Erotic City en 84), y fait encore quelques apparitions lumineuses (immortalisées sur les tournées Sign of the Times et Lovesexy). Suivront encore quelques albums solos composés en grande partie par le nain de Minneapolis, une prise de distance pour revenir à ses origines latinos puis les retrouvailles avec Prince en 1999.

2007, le Bataclan. La belle revient avec un groupe de filles de la mouvance Princière: Rhonda Smith à la basse, Kat Dyson à la guitare, Cassandra o’Neal aux claviers et Candy Dulfer au sax l'accompagnent.
Une première partie peu convaincante (la française Sandra Nkake), quelques minutes d'attente et le son éclate, révélant le gouffre qui sépare les pros des amateurs éclairés. L'énergie, la joie de jouer, la violence parfois, la passion, tout cela est communicatif. Certes, le groupe ne possède pas encore de répertoire très construit (son premier disque ne sortira que dans quelques mois), mais au vu de la carrière de ces dames, elles n'ont aucun mal à aller pêcher dans leurs discographies respectives ou celles de Prince pour enflammer d'un funk teinté de jazz ou de rnb une salle conquise.
Candy Dulfer est sublime, sensuelle et drôle, Sheila E. est émue jusqu'aux larmes.
Le plaisir musical pur.

BI

12 mars 2007

Le meilleur des mondes

Roman visionnaire, description d'une société ayant voulu et achevé la fin de l'Histoire, la fin de l'évolution, la fin des révolutions, la fin des conflits. Vision d'une humanité infantilisée, rabaissée au rang d'animal assisté, programmé pour le bonheur. Fin des émotions, du ressenti, angoisse d'un bonheur perpétuel imposé. Aldous Huxley, qui devait signer plus tard l'hymne psychédélique The doors of perception (dont le groupe the Doors allait tirer son nom), signe en 1931 une oeuvre prémonitoire, une oeuvre aujourd'hui d'actualité dans une France repliée sur elle-même où les politiciens nous rabaissent sans cesse au rôle d'enfants, d'assistés pour lesquels chaque émotion, chaque chagrin aurit sa cure et son traitement social, ses professionnels de l'accompagnement, du travail de deuil. Une France divisible à l'infini en victimes qui ne trouveraient leur salut (national?) que dans un matriarcat finalement assez pétainiste.

Le meilleur des mondes est une oeuvre d'exception, qui creuse inifiniment plus loin que la préfiguration des dictatures (hitlérienne et stalinienne) à laquelle on la limite parfois.

BI

27 février 2007

La bulle cassée

Roman mineur de Philip K.Dick, La bulle cassée (1956) peut-être qualifié de roman de jeunesse et s'inscrit dans une période où le futur auteur d'Ubik se cherche encore (déjà?), à travers notamment des oeuvres délibérément placées hors du domaine de l'anticipation. 1956, année de l'émergence du rock'n roll, d'Elvis Presley. Une jeunesse se constitue comme groupe, avec sa culture, son rejet du passé. Un mode de vie se forme, fait craquer les normes en vigueur. Chassés-croisés amoureux, adolescences révoltées et immatures, une peur de vieillir à l'abord de la trentaine qui n'est pas sans rappeler le "hope i die before i get old" des Who (My generation) ... Un ton parfois étonnamment libre quand on le replace dans son contexte, notamment dans son évocation de la sexualité.
La bulle cassée est un livre imparfait, immature, mais dont certains passages laissent des traces.

BI

PS: sur Philip k.Dick, un site blibliographique

26 février 2007

Bright Lights, Big City

Son premier roman, Bright Lights, Big City, publié en 1984, fit de Jay McInerney le rival et non-moins ami de Bret Easton Ellis au sein d'une génération trash au succès facile. Au delà des avalanches de coke, de boites de nuit, de considérations nihilistes sur le monde du travail, force est de constater la puissance d'un style et l'existence de vrais personnages.

BI

22 février 2007

Anti-manuel d'éducation sexuelle


Ce livre est une bombe. Après des premières pages un peu convenues (le féminisme, le préservatif...), on rentre dans le vif du sujet, à savoir une exploration radicale de l'état de notre rapport au sexe. Pas de généraliés dans ce texte, mais un discours construit et extrèmement argumenté, notamment en termes de lois et de jurisprudence. Marcela Iacub est en effet juriste de formation et a suivi toutes les affaires liées à la criminalisation rampante de la sexualité On suit à la trace les dérives d'une société vouée à la sécurité et ayant porté sur le sexe toutes ses angoisses. On découvre éffaré les agissements d'une Ségolène Royal puritaine qui salit encore dans sa tombe un instituteur qui s'était suicidé après avoir été faussement accusé de pédophilie. On apprend que le meurtre d'un mineur de moins de 15 ans est moins condamné en France qu'un viol. On nous révèle que des études scientifiques prouvent que les méthodes utilisées par les psychologues dans les enquêtes pour pédophilie produisent des résultats erronés...
Le livre s'achève sur l'idée, très convaincante, que la seule porte de sortie de cet engrenage, d ecette obsession anti-sexuelle est de sortir du sexuel, c'est à dire, de ne plus juger les crimes et délits, de ne plus élaborer les lois, en fontion de la nature sexuelle ou non des faits (les auteurs nous démontrent que ce critère est ineffectif) , mais en fonction de critères plus concrets (violence physique, contrainte....).

A livre à mettre entre toutes les mains.

BI

Moby Dick


Souffle épique. Fresque au jour le jour. Ismaël et Achab sont sur un bateau... Le quotidien devient fable métaphysique, expérience mystique. Préfiguration de l'expérience de Joyce, tous les genres de la littérature concassés, concentrés en une oeuvre hétéroclite, philosophique et barbare par Herman Melville. Chef d'oeuvre absolu, à côté duquel le nombril de votre ami lit-térreux du 6ème arrondissement vous paraîtra soudain bien fade.

BI

07 février 2007

Ma mère

Bataille le scandaleux, Bataille le style, l'audace. Bataille le touche-à-tout. Ma mère est un roman inachevé, la dernière oeuvre de celui qui devait influencer considérablement Foucault, Sollers, ou Derrida. Récit initiatique, découverte du sexe, rapports quasi-incestueux. Abandon, volupté de la transgression...
Georges Bataille retrace les émois de Pierre d'un style classique et épuré, qui rend paradoxalement le propos plus fort, plus dérangeant.

Une oeuvre troublante, dont l'inachèvement laisse sur une tension, la préfiguration d'un drame annoncé.

BI

31 janvier 2007

Pars vite et reviens tard

José Garcia est un bon acteur. Il a de la présence, de la force, une sobriété inspirée des grands acteurs américains qu'il a en un temps parodiés. C'est malheureusement le seul atout - avec les quelques éclairs de génie d'un Serrault cabotineur - du nouveau film de Régis Wargnier, Pars vite et reviens tard.
L'intrigue évoque d'abord une thématique - la résurgence de la peste- qui, dans le cadre d'un film noir, pourait être riche. Mais paradoxalement, le scénario aboutit à une histoire anecdotique, un fait-divers sans intérêt, sans que les deux idées ne soient liées par autre chose que les obsessions d'un personnage secondaire. N'ayant pas lu le roman de Fred Vargas dont le film est inspiré, difficile de faire la part des choses entre structure du roman et responsabilité de l'adaptation. Tout cela ne serait pas si grave si le film ne souffrait d'une certaine lourdeur, de cadrages approximatifs, et surtout d'une faiblesse très française dans la direction des second rôles et des figurants. On ne compte pas les répliques mal ajustées par de mauvais jeunes acteurs (Nicolas Cazalé, Marie Gillain) débitant des dialogues mal écrits, les scènes de foule où les figurants font très figurants (on fait semblant de discuter, les membres d'un groupe se comportent de façon homgène, etc.), autant de détails qui nuisent à l'immersion, condition sine qua non du succès d'un véritable thriller. Un film dont le ratage est symptomatioque d'un cinéma français trop occupé à l'autocéélébration pour travailler ses faiblesses.

BI

21 janvier 2007

Renzo Piano & Richard Rogers : le Centre Georges Pompidou 30 ans après

Samedi 20 janvier se tenait au centre Georges Pompidou une conférence réunissant les architectes du Centre Georges Pompidou, Richard Rogers et Renzo Piano. Trente ans après l'ouverture du centre, que reste-t-il des utopies, que reste-t-il des polémiques ? Ce qui caractérise ces deux architectes, c'est un ancrage dans le réel et dans l'expérimentation, un certain refus des théories fumeuses. Le débat fut donc intéressant, même s'il n'apprenait finalement pas grand-chose à ceux déjà au fait de la genèse du projet. Il fut bien-sûr rappelé en quoi le choix du jury présidé par Jean Prouvé pour ce projet fut surprenant et constitua une vraie prise de risque. Piano rappela les injures, les tomates, les coups de parapluie reçus, avec l'humour qui le caractérise souvent. Rogers fut plus posé, moins bavard, plus distancié. Il ne répondit que partiellement sur la question de sa non-implication dans les travaux de réhabilitation du Centre. Derrière le côté un peu convenu de l'exercice, quelques indices glissés par Piano sur sa position vis à vis de la merchandisation des espaces muséaux, merchandisation que Frederic Edelmann, qui dirigeait les débats, aurait pu retourner contre les architectes puisque Beaubourg fut l'un des pionniers de la confusion entre loisirs, tourisme et culture.

BI

06 janvier 2007

Meurtriers sans visage

Vous êtes convalescent, seul, à l'hopital au moment des fêtes. Quoi de mieux qu'un polar pour passer le temps, s'immerger dans des univers décalés ? Dans Meurtriers sans visage, Henning Mankell met en scène pour la première fois son personnage fétiche, Kurt Wallander, mal en point après un divorce mal digéré. Chroniques d'une Suède inquiète, en proie aux démons du fascisme face à l'immigration, le roman vous capte, et ne vous libère qu'à sa conclusion. On découvre une atmosphère incomparable, des rapports humains très proches, où l'anonymat n'est jamais total, le tutoiement très rapide, les frontières au sens propre et figuré, jamais étanches.

BI