21 décembre 2008

Sex game book de Denyse Beaulieu

Sous-titré Histoire culturelle de la sexualité, Sex Game book nous propose un voyage ludique à travers le sexe et sa représentation à travers les âges. Sociologie, peinture, littérature, photographie, mythologie, cinéma, spectacle sont explorés par la plume alerte et avisée de Denyse Beaulieu, plume qui ne manque pas d'humour et de fantaisie.
Un ouvrage raffiné et iconoclaste, un état des lieux où le sens du jeu qui caractérise son auteur (ex journaliste au défunt Globe) n'empiète jamais sur la richesse du contenu.

Au final, un livre qui... donne des idées.

Le Littérroriste

13 décembre 2008

Séraphine, un film de Martin Provost

Un film français. On continue à explorer notre gloire passée, notre petit patrimoine. On y ajoute quelques gouttes de misérabilisme, quelques défauts techniques (des cadrages parfois hésitants, notamment lorsque Provost film Séraphine en extérieur devant des bâtiments), quelques bons acteurs (Yolande Moreau). Le destin de l'artiste y est bien sûr cruel, car les bourgeois ne la comprennent pas...
Qu'en reste-t-il ? On aimerait dire : le rapport sensuel, voire charnel à la peinture. Mettre la main à la pâte... Mais même cet aspect est insuffisamment mis en avant, trop furtivement.

Bref, Séraphine est un film plaisant, mais qui ne va pas au bout des choses, le film d'un pays tout occupé à se regarder dans le miroir de son passé et à convoquer le monde entier à admirer ce reflet.

Le Littérroriste

08 décembre 2008

French kicks, photographies rock par Pierre Hybre

Comment photographier la musique ? Comment photographier le rock ? Comment ne pas sombrer dans un fétichisme (les guitares, les vêtements...) qui substitue au son quelque chose qui est censé le signifier mais n'en dit pas grand-chose (cf les expositions souvent consternantes de la Cité de la Musique quand elle s'intéresse au rock) ? Pierre Hybre a choisi. Il se lance dans l'arène, boîtier en main, au milieu des fauves. Ses clichés sont vraiment des instantanés, des moments capturés, des fragments de vie. French Kicks est le résultat d'une confrontation directe à son sujet, les très jeunes groupes de rock parisiens, confrontation de deux années au cours desquelles le photographe s'est immergé dans son sujet, a cotoyé concert après concert ces adolescents qui redécouvrent le rock.
Le résultat est un très beau livre que le photographe a entièrement piloté, réussissant à imposer ses choix esthétiques (la sobriété, l'exclusion de parasites publicitaires, etc.).
French Kicks est un livre historique au sens premier du terme, un livre qui retrace l'avènement d'une génération post-samplers, un livre qui témoigne.

Pour commander le livre

Le Littérroriste

07 décembre 2008

Musée haut, musée bas de Jean-Michel Ribes

Dès la première scène, on devine l'ampleur de la catastrophe. Photo bâclée, dialogues qui se veulent fantaisistes mais tombent à plat, problème de rythme dans les répliques, direction d'acteurs inexistante (pourquoi les petits rôles sont-ils toujours tellement négligés dans le cinéma français, pourquoi ne savons nous pas diriger des groupes ?)
Ce sentiment se confirme par la suite avec une succession de scènes censées nous faire rire, qui accumulent les poncifs sans jamais - quoi que revendique le film- oser la transgression.
Faire naître du comique d'une situation, c'est à la fois un travail d'écriture, de direction d'acteur, de rythme juste sans lequel le meilleur dialogue ne fait plus mouche.
Film paresseux, qui voudrait nous flatter en nous laissant reconnaître certaines citations picturales lourdement appuyées, mais qui en réalité nous prend pour des imbéciles. Quand la gauche caviar s'adresse au peuple, elle le fait avec condescendance.

Le Littérroriste

18 novembre 2008

Aimer ce que nous sommes- Christophe


Christophe jouit d'une considération étrange pour qui ne fait pas partie des happy-fews parisiens à la posture étudiée, au cynisme parfait. Chanteur de variété qui voudrait être pop, au sens anglais du terme. Prétentions narratives, cinématographiques. Tout ça nous vaut un nouvel album rempli de nappes de synthés dégoulinantes, d'arrangements ringards sur lesquels une voix toujours aussi limite se répand, montage de bouts de chandelles que ne sauvent ni Eric Truffaz, ni Isabelle Adjani.

Aimer ce que nous sommes est un gâteau à la crème indigeste à force de ne contenir que du vent.

Le Littérroriste

17 novembre 2008

La photographie contemporaine par ceux qui la font

Excellent ouvrage pour ceux qui s'intéressent à la photographie, tentent de comprendre les tenants et les aboutissants d'un art masqué derrière une fausse simplicité. Anne-Celine Jaeger a interrogé des photographes contemporains sur leur pratique, leur vision de la photo mais aussi de leur métier. Des conservateurs, éditeurs, responsables photo de magazines sont également questionnés.
Enfin, La photographie contemporaine par ceux qui la font est un très bel ouvrage par la diversité des clichés qu'il contient, la moindre des choses pour un ouvrage sur le sujet.

Le Littérroriste

12 novembre 2008

Gomorra, le livre de Roberto Saviano

Il faut avoir lu le livre de Roberto Saviano, jeune journaliste freelance napolitain, pour comprendre à quel point son adaptation à l'écran constitue une oeuvre minimaliste. Le foisonnement d'informations que porte une plume passionnée, celle d'un homme qui écrit de l'intérieur, pusiqu'il est né et grandi dans cette violence, ne pouvait être transcrit tel quel. L'atrocité de certaines scènes aurait porté le film vers un sensationnalisme complètement étranger à l'oeuvre de Saviano.
Description implacable, cri de désespoir d'un habitant à sa terre, terre pourrie littéralement, enfouie sous les déchets toxiques de toute l'Italie qui contaminent nappes phréatiques, cultures, lait de bufflones et donc mozzarella. Système global, globalisé, à l'échelle mondiale. La Chine, la Colombie, les travailleurs africains. La dope, le béton, le textile, les ordures.
L'impossibilité du futur est gravée dans les idéaux: les adolescents rêvent de vivre vite, avec du pouvoir, de l'argent et une mort violente. Leur expliquer que l'existence de camorriste ne mène à rien, que les guerres intestines les tueront très vite, est sans objet puisque c'est justement cela qu'ils recherchent.
On ne sort pas du système. S'en approcher, même de loin, c'est risquer sa vie. On tue l'ami, la copine, la soeur, le copain de la soeur de quelqu'un que l'on veut attendre. On fait exploser des cadavres à coups de grenades au fond de puits dissimulés dans la campagne de Campanie.
Des pages poignantes, comme celles où Saviano explique qu'il sait aujourd'hui lire le réel et plus précisément le construit, qu'il sait y voir la part de souffrance et de sang dissimulé.

Un livre exceptionnel, dont on sort changé.


Le Littérroriste

09 novembre 2008

Vicky Cristina Barcelona

L'Espagne, la Catalogne... De belles américains en goguette, dont l'une promise à un mariage raisonnable, l'autre plus fantasque. Un peintre sulfureux. Une ex superbe et géniale. Les américains sont coincés. Les espagnols enfiévrés. Les artistes passionnants, les traders ennuyeux. Une telle accumulation de poncifs ne pouvait passer que par l'entremise d'un grand réalisateur. Woody Allen en est-il vraiment un ? D'un côté maîtrise des dialogues, des situations, des ambiances, dérapages comiques réussis. De l'autre, nécessité d'une voix off pour donner du liant à tout celà. Là où un très grand aurait donné en quelques indices visuels de quoi définir les personnages, de quoi comprendre où ils en sont de leur itinéraire, Allen a besoin d'expliquer, de commenter en permanence, comme dans la séquence d'introduction assez longue.
Vicky Cristina Barcelona caresse les européens dans le sens du poil. Un bonbon trop flatteur, qui nous laisse un arrière goût légèrement trop sucré.

Le Littérroriste


06 novembre 2008

Case Study Houses

En 1945, John Entenza, rédacteur en chef de la revue américaine Arts & Architecture, lance un programme de maisons individuelles expérimentales, avec pour objectif l'exploration de nouvelles techniques, de nouveaux usages et une recherche de rationalité voire d'économie.
La plupart des maisons qui seront réalisées (ce ne sera pas toujours le cas) seront implantées dans la région de Los Angeles et donneront lieu à de grands morceaux de bravoure architecturale souvent influencés par Mies Van Der Rohe (on pense notamment à Richard Neutra).
Au delà de la grande modernité, des qualités plastiques, le programme Case Study Houses se lit comme le reflet d'une époque, de son optimisme, de son désir d'aller de l'avant.
L'ouvrage paru dans une collection économique de Taschen ne brille pas par la grande exhaustivité de ses commentaires, mais par une iconographie qui, si elle n'est pas très fournie, n'en est pas moins d'une grande qualité.
Pour les passionnés, un ouvrage beaucoup plus complet et luxueux sur le même sujet est également publié par Taschen.

Le Littérroriste

23 octobre 2008

Denis Bortek au Zèbre de Belleville

En ce mardi soir d'octobre, Denis Bortek, ex chanteur du groupe culte Jad Wio, avait invité ses amis à un concert en forme de mini-cabaret, le tout intitulé Shot the Moon.
Le Zèbre se prêtait bien-entendu parfaitement à l'exercice : chaleur et proximité, entre scène, comptoir et acrobaties aériennes.
Mélange de chansons acoustiques, reprises électriques (Lennon) , mélodies pop, le tout sous fond d'histoires de morts-vivants (reprise de Champagne d'Higelin), de cabaret berlinois ou de filles aux moeurs étranges (Ophélie est zoophile).
Exercice parfait, poésie, humour distancié, le tout sur du velours car accompagné d'un public tout acquis. On regrettera la brieveté du show, qui compte au final trop peu de nouveaux morceaux.

Denis Bortek doit repasser bientôt à la Maison des Métallos, détour conseillé.

Le Littérroriste

19 octobre 2008

Stone Junction de Jim Dodge

Stone Junction est un roman de Jim Dodge publié en 1990 aux Etats-Unis, traduit récemment par Nicolas Richard pour les Editions du Cherche-Midi. Le roman ayant été unanimement encensé par la critique, il était intéressant d'y jeter un oeil.
Stone Junction se présente comme un grand roman picaresque, aux personnages hors normes, bandits, alchimistes, joueurs de cartes, le tout pris dans une grande fresque traversant les Etats-Unis. Le personnage central du roman n'est en réalité pas son héros, Daniel, mais une association nommée AMO qui réunit une bande d'originaux qui ont tous en commun de refuser les aspects contraignants du monde moderne. Pour caricaturer, ce sont des personnages résolumment analogiques qui s'opposent au tout digital. Ajoutons à tout celà quelques valeurs post-hippies, vagument altermondialistes et souvent new-age, et nous obtenons un cocktail qui, s'il peut plaire à des adolescents attardés, ne peut qu'offusquer le libre-penseur, agaçé d'être infantilisé par un roman manipulateur, démagogique et paranoïaque qui oppose les gentils drogués originaux, voleurs et libertaires (ah...les vraies valeurs) aux vilains réprésentants du pouvoir fédéral. (beaucoup trop sérieux donc méchants). Tout ça ne vole pas plus haut que Star Wars qui au moins, n'a pas la prétention de nous ouvrir l'esprit.

Un roman ultra conservateur qui se cache.
Une régression dont le succès ne manque pas de nous interroger sur l'état de la pensée occidentale


Le Littérroriste

07 octobre 2008

La possibilité d'une île (roman)

Avant d'aller voir le film de Houellebecq (s'il reste encore quelques jours sur les écrans) retour sur le roman dont il est l'adaptation.

Daniel est un comique un peu cynique, assez tendance. Le sexe est pour lui un principe de vie. En vieillissant, il réalise la marchandisation des corps. La jeunesse qu'il convoite lui est de plus en plus inaccessible. Il se laisse peu à peu approcher par une secte aux accents Rahéliens, dont les recherches visent au clonage. et donc, à la vie éternelle. Roman structuré par aller-retours entre le récit de Daniel et celui de ses descendants (ses clones) vivant dans un monde post-apocalyptique une vie aspetisée et solitaire. Le texte évoque la perte volontaire de nos caractéristiques animales, de nos passions, pour finir par le constat d'un retour du nième descendant de Daniel à cette poésie du réel et du risque.
On pourra regretter certaines légeretés du style, pour finalement apprécier un texte qui soulève des questions un peu plus intéressantes que celle des nombrils germanopratins.
La possibilité d'une île est un roman imparfait, parfois un peu dilué, mais qui concentre les problématiques de notre condition.

Le Littérroriste

05 octobre 2008

China Gold au musée Maillol

Le musée Maillol est de ses institutions qui posent question. Une question jamais résolue, vite oubliée, qui resurgit à chaque visite. Ce musée est-il réellement adapté à l'affichage d'eouvres contemporaines.
Il est aujourd'hui de bon ton de faire l'apologie du mélange à tout prix, du cross-over, comme si ces croisements étaient toujours fertiles, comme si, au final, ils n'aboutissaient pas aussi parfois à une perte de sens, une aseptie radicale.
Questionnement qui, donc resurgit avec cette exposition consacrée aux enfants terribles de l'art contemporain chinois. China Gold met en scène 35 artistes dans des domaines variés.
Au final, c'est sans doute, et paradoxalement, dans l'art numérique que l'exposition nous étonne le plus. Photographies surréalistes, mises en scène de manière méticuleuse, photographies qui nous content l'envers du décor, la réalité et les difficultés de la Chine réelle. On s'étonne finalement de retrouver un point de vue - une esthétique - très occidental, mais c'est oublier que nombre de ces artistes sont passés par l'Europe ou les Etats-Unis.

A voir donc, en tentant de faire abstraction des boiseries et autres sculptures de Maillol.

Le Littérroriste

27 septembre 2008

Dominique Perrault au Centre Georges Pompidou

Exposition conventionnelle de Perrault par lui-même. Perrault se met en scène, occulte certains aspects de son parcours pour s'afficher en architecte minimaliste. Tout cela est très conventionnel : chaque projet est explicité par une photo et une maquette. En dehors de projections dont le contenu est loin d'être explicite pour qui ne connaît pas l'architecte (de quel projet parle-t-on à un moment t?) rien n'est dit ni montré sur les espaces intérieurs : l'architecture comme une scultpture urbaine habitée, une sculpture qui viserait paradoxalement à la disparition. Mais l'architecture n'est pas le land art et Perrault n'est pas Andy Goldsworthy. Conflit donc entre la perennité que l'on attend d'une architecture (construire pour x années), la volonté des commaditaires d'utiliser une signature (Perrault l'architecte de la BNF) et une fausse modestie de rigueur.

Le Littérroriste

20 septembre 2008

Last Exit to Brooklyn

La lecture du dernier (à tous les sens du terme) roman d'Hubert Selby Jr. nous ayant réellement retourné, petite plongée dans le texte qui révéla l'auteur. Last Exit to Brooklyn est une succession de tableaux new-yorkais. Loubards, putes, travestis, militaires en permission, syndicalistes homos se succèdent pour ce qui restera comme l'une des fresques les plus desespérées et les plus lucides de la littérature. De quoi en tous cas faire tomber bien des a priori, bien des idées fausses : non, les années soixante ne furent pas des années d'angélisme béat: les gangs et leur violence aveugle prospéraient déjà et New-York était déjà leur terrain de jeu.

Beauté sauvage d'un texte au style concentré. Les dialogues sont noyés dans la narration, n'en prennent que plus de force. Tourbillon des actes et des paroles enchevêtrés...

Recueil de nouvelles ou roman destructuré ? L'unité de style et de discours fait pencher pour la seconde option, la dédicace de l'auteur se réfère d'ailleurs au livre comme un tout.

Un chef d'oeuvre sans concessions.

Le Littérroriste

15 septembre 2008

Gomorra, le film de Matteo Garrone d'après le livre de Roberto Saviano

Gomorra, le film de Matteo Garrone, est un film ambitieux. Comment retracer un livre enquête (celui de Roberto Saviano, vendu à 1 200 000 exemplaires en Italie, traduit en 42 langues), comment montrer la déliquescence napolitaine sans passer par le spectaculaire ?
Un film fiction qui parle du réel.
Des histoires parallèles. Des croisements parfois, mais assez peu. La violence, la mort au quotidien. La vengeance de la vengeance de la vengeance. Le poison d'une aide aux démunis qui devient vite demande d'allégeance. Les déchets source d'enrichissements. Les gamins qui jouent aux caïds et finissent une balle dans la tête.

Un film déroutant, le gâchis d'une génération tout entière.

Le Littérroriste

29 août 2008

Rose Madder de Stephen King

Le Littérroriste est un homme (presque) comme les autres. Pendant que de sublimes créatures gambadent sur sa plage barcelonaise, il se plait à se plonger dans un pavé US, un roman qui l'absorbe tout entier, lui permettant de faire abstraction d'un cadre par trop idyllique.
J'ai déjà écrit sur ce blog que Stephen King était à mes yeux un auteur sous-estimé, sans doute victime d'un succès florissant. Rose Madder n'est pas son roman le plus connu. On y retrouve certains des ingrédients de nombre de ses productions : une femme meurtrie, un conjoint schizophrène et une perméabilité du monde réel au domaine du rêve. Le fantastique se glisse peu à peu, insidieusement, dans ce qui semblait devoir ressortir du domaine du thriller. Le sexe et la mort sont omniprésents, mais l'ironie de Stephen King transcende tout. Les pages où l'époux éconduit de Rose, flic brutal et impuissant, se retrouve dans la kermesse d'une association de femmes battues, sont irrésistibles, rappelant le cynisme d'un Hubert Selby JR.
Un livre imparfait, mais attachant.

Le Littérroriste

21 août 2008

wall E

Un film comme Wall E. permet de mesurer le chemin parcouru par le cinéma d'animation ces dernières années. Là où la technique infographique se posait comme un objet en soi, un morceau de bravoure, Wall E. l'utilise pour dégager une vraie poésie. Certes, le film comporte quelques lacunes, quelques trous scénaristiques. Les séquences qui prennent place au sein du vaisseau spatial où l'humanité est maintenue en état végétatif, tout en étant amusantes, n'ont pas la même originalité que le reste du film. Mais les images du robot perdu à la surface d'une terre ravagée, continuant à empiler des cubes de déchets, resteront comme le plus efficace plaidoyer écolo.

Le Littérroriste.

05 août 2008

Comment le web change le monde

Francis Pisani vit dans la Silicon Valley d'où il édite Transnets, son blog sur les nouveaux médias et les nouvelles technologies, blog bien connu des lecteurs du monde.fr.
Ce livre condense et synthétise la vision d'un homme immegé dans son sujet. Derrière des sites comme Facebook ou My Space se cachent des évolutions sociétales majeures. La simplification des outils a permis à tout un chacun de s'en emparer, des les utiliser, de les détourner. Le web 2.0, basé sur l'idée que les utilisateurs créent d'eux-même le contenu des sites sur lesquels ils s'inscrivent, génère de nouveaux modèles économiques qui touchent la publicité, le marketing, la question de la sécurité des données. L'augmentation des flux de données rend par ailleurs possible l'entreprise "dans les nuages" c'est à dire immatérielle, l'entreprise sans logiciel sur site, où tout est accessible depuis n'importe quel point sur le globe.
Enfin, le net, et c'est sans doute le plus troublant, rend possible l'émergence d'une intelligence collective extrèmement performante (le webcateur vu comme une fourmi NDLR).
Difficile de résumer un ouvrage aussi riche, dont le mérite est de prendre ses distances avec les dogmes des uns et des autres : Comment le web change le monde n'est pas un plaidoyer mais un constat sur ce qui arrive. Qu'on le regrette ou qu'on le souhaite, ces mutations ont lieu, et la meilleure manière de faire en sorte que cette évolution soit positive, c'est dans un premier temps de savoir ce qui se passe.

A recommander

Le Littérroriste

30 juillet 2008

Valse avec Bachir

Peut-on, doit-on montrer la guerre, les massacres ? Faut-il montrer tout cela d'une manière brute, ou mettre une certaine distance ? L'oeuvre d'art doit elle servir une morale, une vision collective de l'Histoire ?

Ari Folman raconte son histoire, celle d'une amnésie. Aucun souvenir de son rôle dans les massacres de Sabra et Chatila en 1982.
Journée rayée de sa mémoire. Alors il enquête. Le film est le récit de cette enquête.
Rêves récurrents, amis sans voix, culpabilité des survivants.
L'animation (magnifique, expressive, y compris dans l'aspect volontairement saccadé des mouvements) permet de retracer ces épisodes oniriques, ces cauchemars qui condensent le vécu.
Elle permet aussi de faire de ces soldats des contenants, où chacun d'entre nous peut se loger le temps d'un cauchemar éveillé.

Le Littérroriste



28 juillet 2008

Richard Avedon au Jeu de Paume

Richard Avedon a disparu en 2004. L'exposition que présente le musée du Jeu de Paume constitue en quelque sorte une autobiographie, voire un testament d'Avedon, tant le photographe a consacré les dernières années de sa vie à se raconter, à se mettre en scène. Résultat: une exposition qui, en dehors de ses interventions dans le domaine de la publicité et de la mode, raconte un homme au travers de portraits. Potraits de stars, bien sûr, mais aussi d'inconnus croisés au bord de la route. Portraits d'une époque mais surtout de la vision d'une époque par un artiste qui aura revendiqué sans modestie le statut de créateur omnipotent, de metteur en scène. Pour Avedon, le discours sur le réel s'appuie sur la ruse et le subterfuge. Comment amener les gens à être eux-mêmes malgré eux? Comment faire craquer le vernis de ces icônes qui incarnent en permenence un personnage public ? Parcours magnifique, le tout superbement explicité par un film (Richard Avedon: Darkness and Light, d'Helen Whitney) qui ne sombre pas l'adoration niaise, mais dresse un portrait complexe d'un homme à la vie intense.

Le Littérroriste

19 juillet 2008

Le bruit des gens autour

Ce film de Diastème, qui conte le festival d'Avignon de quelques personnages liés au monde du théâtre et de la danse, a été relativement mal perçu par la critique dite autorisée. L'objet a été décrit comme caricatural, stéréotypé, alors que sa prétention, et celle notamment de son scénario, n'est pas d'accéder au réel par les faits, mais plutôt par l'évocation de sentiments universels et fondamentaux. Les acteurs sont touchants. Le couple formé par Lea Drucker et Olivier Py est touchant parce qu'improbable et donc acceptation de l'autre tel qu'il est. Bruno Todeschini a pris de l'épaisseur avec les années... La superbe Linh Dan Pham promène son personnage allégorique de spectatrice, apparition souriante qui resoude les liens entre les êtres.
Le bruit des gens autour est un film touchant.

Le Littérroriste

17 juillet 2008

Putain de Nelly Arcan

Putain est un livre malentendu. Vendu par la Fnac comme un roman érotique, ce texte est une introspection douloureuse, le récit du vécu d'une call-girl canadienne. Relation trouble avec l'autobiographie : Nelly Arcan aurait exercé cette profession, aurait monnayé ses charmes alors qu'elle était étudiante. Cri de désespoir, de haine envers elle-même, regard glacé, chirurgical sur les hommes, sur ses parents dont elle se sent prisonnière de la relation ratée.

Un livre fort, qui évoque parfois Elfriede Jelinek, dans une prose moins opaque.

Le Littérroriste

16 juillet 2008

Ping pong

Pour prolonger le plaisir de l'expo de Valérie Mréjen, un petit livre, intitulé Ping pong, comprenant un entretien assez poussé avec la vidéaste, les dialogues de quelques courts-métrages et un dvd des nouvelles vidéos.
Le livre est bien réalisé. La plupart des textes sont traduits en anglais.

Le Littérroriste

20 juin 2008

JCVD

Film atypique, JCVD est réservé à ceux qui, comme moi, ont longtemps soupçonné Jean-Claude Van Damme d'être un imposteur génial.
L'auteur de "si tu enlèves l'air du ciel, les oiseaux tombent par terre...et les avions, aussi", passe du statut de ringard absolu à celui d'une icône pop, capable d'autodérision dans un rapport trouble à l'autobiographie.
Car le scénario de JCVD montre le retour d'un Jean-Claude au pays, en pleine période de perte de vitesse à Hollywood.
Procédure de divorce, problèmes d'argent: JC se rend comme tout citoyen belge à la poste du coin pour y faire un virement à son gourmand avocat californien, il s'y retrouve mêlé à une prise d'otage cahotique menée par des malfrats peu subtils.
Film étrange, à mi-chemin entre la comédie, le film noir (très belle photo avec un grain très poussé), JCVD reste au final un ovni cinématographique, un machin inclassable qui réussit à nous séduire sans pourtant tenir aucune de ses promesses.

Le Littérroriste

16 juin 2008

Depardon : errances

On peut avoir une opinion divergente concernant le cinéma de Depardon et sa photo. Autant son cinéma s'attache à l'humain, autant sa photographie prend souvent un autre chemin, une plus grande distance. Errance est ce moment particulier où un process anonyme et volontairement rigide (un appareil unique sur pied, un format unique, un noir et blanc permanent, un cadrage unique qui place la ligne d'horizon au centre, une profondeur de champ maximale) génère une oeuvre personnelle. Depardon écrit sur l'errance, s'interroge sur la notion et la manière dont lui l'a vécue, raconte son parcours photographique, ses questionnements.
Les photos reflètent des entre-deux, des lieux de transition dont l'humain est sinon absent, sinon un élément secondaire.

Un livre austère mais très enrichissant pour qui s'intéresse à la photographie ou la pratique.

Le Littérroriste

15 juin 2008

Un conte de Noël

Arnaud Desplechin met ici en scène la part cachée des histoires familiales, le non-dit, les regrets. Le passage à l'âge adulte est l'occasion de réaliser les chemins que l'on n'a pas pris, les histoires d'amours à côté desquelles on est passé, les petits riens sur lesquels reposent nos destins.
Amalric, devenu au fil du temps l'acteur fétiche de Desplechin, joue toujours un peu le même rôle d'un film à l'autre... mais il le fait bien. Les autres acteurs (Deneuve mère et fille, Poupaud, Emmanuelle Devos, Jean-Paul Roussillon, la belle Anne Consigny...) incarnent leurs rôles avec conviction, on pense furtivement à Festen, bien-sûr. On regrettera néanmoins la durée du film: le montage aurait pu être plus serré, certaines scènes évacuées.

Un bon Desplechin, mais qui ne constitue pas un jalon générationnel comme le fit Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle).

Le Littérroriste

13 juin 2008

Valérie Mréjen au Jeu de Paume

La programmation du Jeu de Paume est exemplaire en ce sens que ses expositions sont résolument contemporaines tout en restant accessibles au profane. L'exposition de Valérie Mréjen, ironiquement intitulée la Place de la Concorde, ne déroge pas à ce principe. L'incommunicabilité entre les êtres y est mise en scène par le biais de courts métrages vidéos retraçant des scènes de la vie quotidienne, courts métrages rigoureux, bourrés d'humour et de sens.

A aller voir d'urgence

Le Littérroriste

07 juin 2008

Le combat ordinaire

Manu Larcenet sait parler des choses de la vie avec une humilité, une sobriété touchantes. Le parcours de son personnage dans une existence assez banale met en scène l'apprentissage de la complexité du monde, d'un monde où le bien et le mal coexistent en chacun.
Le combat ordinaire est une bande dessinée adulte, dans le sens ou un réalisme des situations et des personnages n'empêche pas l'irruption de pages poétiques, comme ces paysages silencieux ou ces portraits accumulés qui ponctuent l'intrigue.

Le Littérroriste

25 mai 2008

Pornostars- Fragments d'une métaphysique du X

Pornostars, Fragments d'une métaphysique du X procède d'une idée intéressante: creuser enfin le pourquoi du cinéma pornographique, tenter de comprendre les raisons de la fascination qu'il suscite. On est loin ici des discours politiques qui visent à nous faire prendre le X pour un acte révolutionnaire. Il s'agit avant tout de comprendre le rapport onirique entre le film et son spectateur et, pour Laurent de Sutter, plus précisément, le rapport que celui-ci entretient avec les starlettes, élevées par l'auteur au rang d'anges délivreuses d'un amour paradoxal.
Le discours est ponctué d'exemples de scènes de films X, exemples dont, malheureusement, seul un amateur fort éclairé pourrait évaluer la partinence.
On passera sur le parfum mystique, voire catholique qui empreigne l'ouvrage, pour finalement constater que tout cela ne nous a pas amené grand-chose, qu'il ne nous restera de ces fragments qu'une belle idée de rédemption.

Le Littérroriste

22 mai 2008

Jean Prouvé Les maisons de Meudon

1945. La France est en ruines. Il faut reconstruire, et vite. Des expérimentations sont lancées pour tenter de construire à faible coût des maisons préfabriquées de qualité : c'est ainsi que des "cités d'expériences " comme celle du Merlan à Noisy le Sec accueilleront des maisons individuelles en bois ou en métal, parfois offertes par des gouvernements étrangers.
Que sera-t-il conclus de tout cela ? Pas grand-chose, car la France aime le béton, qu'elle a inventé, et qui est le fond de commerce de toute une industrie. Jean Prouvé croit pouvoir vaincre cela. Ingénieur, il met au point des systèmes visant à fabriquer des maisons comme on fabrique des automobiles. Mais l'aveuglement des fonctionnaires, les restrictions budgétaires et, disons-le, le manque de vision des politiques, empêcheront Prouvé d'aller au bout de sa démarche. prouvé n'ayant pu mener à bien l'expérience de manière concluante, ne pourra accéder à l'industrialisation à grande échelle qui aurait permis d'abaisser les coûts et d'améliorer la qualité de ses produits. restent quelques maisons à Meudon, transformées au fil du temps.
Une histoire symptomatique de l'incapacité française à suivre les inventeurs, les précurseurs.

Le Littérroriste

18 mai 2008

Georges Méliès à la Cinémathèque

On attendait beaucoup de cette exposition. On imaginait retrouver au fil de notre parcours un peu de la magie des premiers temps, celle que ressentent les enfants lorsqu'ils fabriquent un théâtre en carton. On attendait trop, peut-être. Une scénographie plate se déroule au sein d'un - court- parcours alambiqué, dont la géométrie du bâtiment de Frank Gehry (ex Centre culturel américain) porte peut-être une part de responsabilité.
Indigence de la pensée: pour exposer un touche-à-tout, imaginatif, bricoleur, on nous sert un accrochage façon musée, qui n'est pas sans rappeler les ridicules tentatives de "musées du rock", ces tentations - pour ne pas dire cette nécessité - de rendre les choses respectables, de les mettre dans des boîtes rassurantes. Là où il fallait au contraire de la fantaisie, de l'excès, l'exposition fétichise des pièces, et passe à côté de ce qui nous importe, à savoir le travail de Méliès, tous ses trucs, ses astuces de disciple des prestidigitateurs. Peu d'explication sur les trucages.
Le travail de toute une vie (les objets, les films restants étaient dispersés) de la famille de Méliès pour tenter de rassembler des éléments de cette histoire méritait beaucoup mieux.

Le Littérroriste

11 mai 2008

Deux jours à tuer

J'aime beaucoup Dupontel tant en tant qu'acteur qu'en tant que réalisateur. Sobriété et humilité du jeu d'un côté, incorrection salvatrice de l'autre.
Dupontel est très bon dans ce nouveau film de Jean Becker, comme le sont les autres acteurs.
Le film commence par ce qui ressemble à une crise de la quarantaine, d'un homme qui a réussi et fout tout en l'air. Mais ce sabordage en règle (belle scène du dîner) cache autre chose. Malheureusement, ce retournement est unique, et ce vers quoi le personnage se dirige n'est pas développé (qu'advient-il de sa relation avec son père).
Deux jours à tuer est trop court, et s'arrête là où pourrait s'installer un climat, une suspension.

Un film à moitié plein...ou à moitié vide !


Le littérroriste

24 avril 2008

W ou le souvenir d'enfance

J'ai toujours beaucoup aimé Perec, sans réellement réussir à définir pourquoi. L'appartenance à cette bande d'iconoclastes joueurs rigolards et mathématiciens que fut l'Oulipo ? Cet humour permanent et sous-jacent, comme blotti au cœur de chaque phrase? L'irruption d'une émotion au hasard d'un souvenir ?

Tout cela est bien inscrit en creux dans W ou le souvenir d'enfance, récit atypique (et donc typique dans l'oeuvre de Perec !) composé de deux voix : l'une est celle de Georges Perec qui revient sur son enfance et compare les souvenirs qu'il en a à la réalité telle qu'il tente, trente ans après, de la reconstituer : translations de noms, de personnes, inversions de lieux, erreurs sur les dates, souvenirs fantasmatiques... ces souvenirs prennent place dans la guerre et dans l'exode de Perec, de famille juive, dans le sud de la France pour échapper aux rafles, alors que sa mère est déportée (il ne la reverra pas).
Parallèlement, récit imaginaire qui s'ouvre sur l'histoire d'une disparition mystérieuse pour passer brusquement, comme un enfant changerait de cahier à spirales, à la légende de W, île-république fondée autour du culte du sport. De chapitre en chapitre, le récit, d'abord idyllique, se fait de plus en plus dérangeant, pour aboutir à la description d'une société fasciste d'une cruauté sans pareille, où le viol et le meutre sont nou seulement tolérés, mais secrètement encouragés, au sein d'un système politique qui vise à l'esclavage de tous. Comme le récit de Perec le fait avancer chronologiquement vers le moment de la fin de la guerre (et donc celui du vide et de la révélation de la perte de ses proches et de l'horreur nazie), l'histoire de W nous révèle peu à peu l'envers d'une société parfaite.
La Disparition était un livre dont la structure était aussi le sujet (la disparition de la lettre E).
W porte ainsi en creux l'histoire du nazisme, et la vertu réparatrice de nos souvenirs menteurs.

Le Littérroriste

20 avril 2008

Trente ans et des poussières

Trente ans et des poussières est le roman majeur de Jay Mc Inerney, celui par lequel il confirma le talent que l'on avait pu déceler dans ses premiers romans. A l'instar de La belle vie, qui poursuivra l'histoire de ses protagonistes, le livre s'organise autour d'une catastrophe, ici le krach de 1987, dans La belle vie, le 11 septembre 2001. Avant/après, ce qui change, et comment les faux-semblants explosent d'un coup, nous laissent face à nos contradictions.
Jay Mc Inerney sait comme personne explorer les tentations de l'âme, les compromis. Il ne juge pas ses personnages : pas de bons, pas de méchants, mais des gens en train de confronter leurs idéaux au monde, en passe de se demander jusqu'où céder.

Emergence du SIDA, fin de l'insouciance sous coke des années 80, fin de l'argent facile, retour de flamme du réel?

Un roman magnifique, qui sonne la fin d'une époque et l 'entrée dans la maturité pour le romancier.

Le Littérroriste

13 avril 2008

Bleu Pétrole

En 2002, le dernier Bashung, Imprudence, nous avait fait toucher au divin : paradoxe d'un homme parvenu au faîte de sa gloire au moment où son art atteignait une absence totale de concessions, mélodie déconstruites, fragments parlés, lambeaux de musique concrète, poésie fulgurante.
Bleu Pétrole revient à plus de classicisme, dans la lignée d'Osez Joséphine, dont il reprend l'inspiration pop-folk voire country et le mélange de nouveaux morceaux et de reprises...

Entre ruptures amoureuses, métaphores politiques, nostalgies soixante-huitardes (reprises de Manset, de Cohen), l'album est frais, mais n'apporte rien de nouveau à l'univers d'Alain Bashung.

Le Littérroriste

30 mars 2008

Socrate dans la nuit

Aborder le dernier livre de Patrick Declerck est une entreprise délicate. Si personnage est déroutant, entre physique de garçon boucher et philosophe bon vivant, son roman ne l'est pas moins, sorte d'autofiction mise en parallèle avec les derniers instants de Socrate.

Declerck, ou plutôt son personnage, Cornelius Van Zandt, apprend qu'une tumeur logée dans son cerveau ne lui laisse que peu de temps à vivre, et que, de plus, il est impossible de savoir combien de temps. Désabusé, lassé de tout, et sans doute surtout de lui-même, de son personnage, des faux-semblants, le narrateur s'épanche sur les femmes, la gastronomie, le corps médical, le sexe... et Socrate dont il aimerait suivre la ligne de conduite, lui qui a su garder contenance..

Au final, on sort un peu déçu de ce face à face, alors même que le côté iconoclaste, excessif et incorrect du personnage nous avait laissé entrevoir plus de générosité, moins de replis sur soi

Le Litterroriste

23 mars 2008

L'écriture de scénarios

Ouvrage de référence pour qui veut se plonger dans les délices de la structure narrative. On passera sur un humour répétitif qui finit par brouiller le propos. L'intérêt du livre de Jean-Marie Roth est de désacraliser la narration, de l'assumer comme travail, et de fournir des exemples très concrets des différentes formes scénaristiques que sont le synopsis, la continuité dialoguée, le découpage technique.
L'autre intérêt du livre : le rapport du cinéma français à l'argent, aux subventions, l'incessant débat sur le soi-disant modèle français, la soi-disant exception française dont la brièveté de l'apparition de certains films sur nos écrans n'arrive pas à masquer l'indigence et le conformisme.

LE LITTERRORISTE

21 mars 2008

Team 10

La Cité de l'architecture et du patrimoine propose une exposition sur le groupe d'architectes Team X. On craint une exposition austère, abstraite et hermétique... et on a raison. La démarche de Team X, dans les années 60, se veut évolution critique des doctrines des CIAM dont le Corbusier fut l'un des fondateurs. Team X prétendait complexifier le discours architectural et urbanistique, tirer des enseignements du vécu des gens comme de l'architecture auto-construite. De longues analyses, fourre-tout, sont censées permettre de comprendre les qualités offertes par l'urbanisation de certains bidonvilles. Mais, là où l'on pouvait s'attendre à trouver, in fine, une architecture complexe, un urbanisme riche, on se trouve confronté à un résultat d'une pauvreté étonnante, des plans masse où quelques barres jouent avec l'angle droit. Car le problème de Team X, c'est sans doute une certaine fascination formelle. En témoignent de nombreux plans masse très graphiques, qui sont de véritables tableaux abstraits, la couleur en moins. Mais jamais le lien n'est réalisé entre cette abstraction et l'architecture, jamais l'entre-deux ne se développe vraiment. Très peu de réalisations au final, au vu du nombre d'architectes impliqués. Des grands gestes, des échecs (Toulouse-le Mirail) dont on pourra toujours prétendre qu'ils l'ont été parce qu'on n'a pas bâti TOUT le système. Architecture totalitaire, en ce qu'elle n'accepte au final pas le réel, ne souffre aucune distorsion dans sa perfection conceptuelle et formelle. On aimerait voir de l'architecture, il y en a fort peu : quelques maquettes, de grandes photos des architectes, censées redonner un peu de vie à une expo lugubre. Une scénographie sans imagination, voire absurde, des vidéos inaudibles car côte à côte...
Une exposition qui n'intéressera malheureusement que les architectes, tant elle est abstraite, sans relief, sous-commentée.
La cité de l'architecture et du patrimoine remplit-elle ainsi son rôle de divulgation de l'architecture auprès du grand public ou satisfait elle l'ego d'une caste d'architectes mondains trop heureux que l'on patrimonialise (cf Alain Bourdin, le patrimoine réinventé) le moindre bâtiment d'une époque qui s'est voulue héroïque ?

LE LITTERRORISTE

12 mars 2008

Hey, Nostradamus !

Un lycée. Des adolescents qui s'habillent en treillis et font un carnage. Cheryl meurt dans la fusillade. Jason, celui qu'elle a épousé en secret, survit après avoir tué l'un des agresseurs.
C'est le point de départ du roman le plus abouti de Douglas Coupland, roman à plusieurs voix: Cheryl s'exprime peu après son décès, Jason, lui aussi, dont la vie sera de ce jour marquée d'un voile, Heather, la petite amie qu'il aura plus tard, et Reg, le père de Jason dont la vertu rigoriste se trouve éprouvée par les faits. Chacune de ces parties est non seulement le point de vue intime de l'un des protagonistes, mais un point de vue décalé dans le temps : il ne s'agit pas seulement de donner à voir la complexité d'une situation, mais son évolution, et, par le changement de narrateur, nous laisser entrevoir à chaque fois des pans nouveaux de l'histoire. Hey, Nostradamus ! est un roman sur la foi, et sur le doute. Comment croire lorsque l'on est confronté à l'horreur ? Quel rôle pour la religion dans la société nord-américaine? Comment vivre après la mort d'un amour, la mort de l'amour ?

Un roman philosophique très actuel.

LE LITTERRORISTE

08 mars 2008

There will be blood

Les pionniers américains du pétrole au début du vingtième siècle...La cupidité, la violence, l'obsession. Les histoires familiales. La religion.
On pouvait tout craindre de ce cocktail.
Un Dallas historiciste ?
Les premiers instants du film rassurent tout de suite. Paul Thomas Anderson filme avec sobriété, minimalisme.
Plusieurs minutes (une demi-heure ?) s'écoulent avant qu'un mot ne soit échangé.
La musique est radicale, expressionniste, dérangeante.
Le mal couve dès l'origine.
Et le film existe. Il existe par ses personnages, ses personnages qui, chose rare dans le scénario actuel, ont de l'épaisseur, de la complexité, un mystère.
Quelles sont les motivations profondes de Daniel Plainview, le clairvoyant, le pionnier ? Cache-t-il vraiment des sentiments derrière sa façade de dur-à-cuire, ou joue-t-il de cette idée ?
Qui est vraiment ce jeune pasteur, son charisme théâtral n'est-il qu'une mise en scène destinée à asseoir un pouvoir grandissant dans sa communauté ?
Le demi-frère de Daniel l'est-il vraiment ? Daniel peut-il avoir des sentiments fraternels ?
Le fils adoptif de Daniel, devenu sourd, est-il au courant de son statut ? La haine a-t-elle pris le pas chez lui sur l'amour qu'il ressentait pour Daniel ?

There will be blood est un film magistral. L'auteur de Magnolias, Boggie-nights et Punch-Drunk Love atteint une maturité dans son art rare chez un réalisateur aussi jeune.
Les acteurs sont formidables. Daniel Day Lewis incarne son personnage avec une justesse dans le regard qui fait frémir. Paul Duno (Little Miss Sunshine) dresse le portrait d'un jeune évangéliste précurseur des dérives du genre, entre foi, dollars et pouvoir, avec de grands numéros de prêche où l'acteur laisse libre cours à son instinct, performances on stage mémorables.

A voir.

LE LITTERRORISTE

24 février 2008

Marcel Duchamp

Le Duchamp de Bernard Marcadé ne se laisse pas avaler d'une traite. La chose est imposante, et peut faire peur par sa longueur et sa densité.

Retracer la vie d'un homme qui a mis en oeuvre la paresse comme mode d'existence, qui l'a même théorisée, est ardu. Celui que Breton tenait pour l'homme le plus intelligent du XXème siècle a peu produit, ce qui donne une idée de la puissance, de l'influence des quelques oeuvres réalisées avant sa mort en 1968.
Se plonger dans la vie de Marcel Duchamp, c'est se retrouver dans le milieu parisien du début du siècle, au coeur des querelles artistiques, des chapelles, des écoles, des inimitiés, des poses. proche des dadaïstes comme des surréalistes, Duchamp refusera toujours de s'engager ici ou là, restera soigneusement en retrait des mouvements et de leurs querelles.
On croise donc les figures de Breton, Man Ray, Max Ernst, Dali, Soupault, Picabia... Très vite, Duchamp passe le plus clair de son temps à New York, dans un svant mélange d'anonymat quotidien et de star de l'intelligentsia.
Il s'adonne aux femmes et aux échecs, après avoir arrêté la peinture très tôt, n'yant selon lui "plus rien à dire". Le Grand Verre, comme Etant donnés, seront ainsi réalisés très lentement, au fil de longues années, comme un process intégré dans le vie de Duchamp, qui ne souhaita d'ailleurs pas les achever complètement. Ce qui frappe, c'est le dynamisme de l'art français il y a un siècle. Des artistes vivant dans une certaine indépendance, loin des caciques subventionnés d'aujourd'hui, pour qui être rentier de l'Etat est un droit. Comment en sommes nous arrivés à notre inexistence d'aujourd'hui ? Le livre éclaire la transition progressive de Paris vers New York du centre de gravité de l'art moderne puis contemporain. Là encore, Duchamp, visionnaire, sent les choses changer et accompagne le mouvement de l'Histoire.
Ce que l'on peut regretter chez Marcadié, c'est finalement l'absence des oeuvres, qui ne sont ni reproduites dans l'ouvrage, ni véritablement décrites et analysées. Certes, on pourra objecter que d'autres l'ont déjà fait, ou que ce serait l'objet d'un autre livre, mais une analyse détaillée du Grand Verre ou d'Etant donnés eut été salutaire pour mettre en relation les conditions de la réalisation (décrites) avec l'intention de l'anartiste comme Duchamp aimait à se définir.

Au final, une somme un peu indigeste, qui manque un peu sa cible.

LE LITTERRORISTE



17 février 2008

Richard Rogers à Beaubourg

Richard Rogers est avec Renzo Piano, co-auteur du Centre Georges Pompidou. Le bâtiment qu'il a a créé abrite aujourd'hui une exposition retraçant sa carrière. Comme pour l'exposition Renzo Piano qui s'était inscrite dans le même lieu, l'accent est mis sur les maquettes, maquettes de grande taille. Cette échelle des modèles entretient un rapport étroit avec la méthode de travail de Rogers, qui, comme Piano, privilégie l'artisanat et le prototype (voir à l'entrée de l'expo la maquette échelle 1/2 d'un noeud structurel).

On suit la carrière de l'architecte italo-anglais chronologiquement, de ses débuts, sa rencontre avec Norman Foster au sein de Team 4 (beau projet de maison préfabriquée), à son association avec Renzo Piano et leur collaboration avec Peter Rice, l'ingénieur surdoué spécialiste des structures métalliques qui fera partie de l'équipe jusqu'à sa mort en 1992. Suivent les projets de Rogers après la séparation (dont la Llyod's à Londres, cf photo de la maquette) et son activité d'architecte conseil pour l'urbanisation de Londres. C'est là, précisément, que se situe le point faible de l'exposition, qui met insuffisamment l'accent sur les réflexions de Rogers sur la ville contemporaine. Etonnant que dans un contexte d'urgence écologique, une telle exposition parle si peu de ces problématiques, c'eût été sans doute l'occasion de les expliciter au grand public, d'autant que Rogers a cette pertinence du verbe, cette absence d'effets oratoires, qui rendent son discours lumineux, comme le montrent les quelques vidéos d'entretiens qui sont diffusées.

LE LITTERRORISTE

Photos : Littérroriste

09 février 2008

Les oubliés


Dernier roman de Christian Gailly, Les oubliés nous replonge avec bonheur dans les histoires simples mettant en scène la vie, l''amour, les rencontres, le hasard. Dans un style très oral, qui pousse encore plus loin une certaine radicalité de la simplicité et de l'oralité, l'ancien jazzman nous émeut, nous parlant d'histoires d'adultes affrontant l'épreuve du temps, de l'usure des couples, du deuil, de l'oubli.

Très beau livre.

LE LITTERRORISTE

01 février 2008

Techniques du chaos

Techniques du chaos est un petit recueil d'articles de Timothy Leary parus entre 1984 et 1993.

Petit cours de rattrapage : Timothy Leary, à l'origine psychologue enseignant à Harvard, Leary fait l'expérience des champignons hallucinogènes avant de lancer un programme d'expérimentation du LSD à l'université, au début des années 60. En 63, il est viré car la nature de ses recherches commence à faire tâche dans l'université. Il devient un personnage emblématique du mouvement hippie, qui le cite dans plusieurs chansons de la fin des années 60. Il rencontre Ginsberg et Huxley. Il est ensuite poursuivi pour détention de drogue et incarcéré pendant plusieurs années.
Il s'évade en 70, avant d'être capturé quelques années plus tard en Afghanistan. Il est libéré en 76 et développe une réflexion sur les niveaux de conscience, à mi-chemin entre recherche scientifique et étude de la méditation.
Les articles réunis ici datent de l'émergence de l'informatique pour tous, émergence que l'on peut dater du premier macintosh (intérface graphique, utilisation de la souris). Visionnaire, Leary invente le terme cyberpunk (qu'il définit comme pilote du réel) et prévoit déjà le rôle d'internet en tant que rassemblement de l'information. Sa lecture est éminément optimiste: à cents lieues de tout principe de précaution, celui qui faisait ingurgiter du LSD à ses étudiants fait l'apologie du cybersexe et de la connaissance partagée.
Celui qui était devenu au fil du temps une sorte de gourou des quadras de la silicon valley s'est donné la mort en direct en 1996.
Un petit livre qui mesure le chemin parcouri et les intuitions fondatrices d'un homme libre.

LE LITTERRORISTE

24 janvier 2008

Les enfers du sexe

Le numéro 470 du magazine littéraire ouvre pour nous les portes bien fermées des "enfers" des bibliothèques, c'est à dire de ces collections licencieuses, soigneusement soustraites au grand public, qui rassemblent les grands-chefs d'oeuvre érotiques comme les pornographies les plus crues de la langue française.
Le dossier est motvé par l'ouverture des Enfers de la Bibliothèque Nationale, ouverts enfin au public jusqu'en mars 2008.
Prétexte à quelques articles érudits qui nous rappelent que bon nombre de nos grands écrivains se sont laissés aller à des écritures peu sages, où la transgression, le pied de nez à la censure cottoient le plus souvent un humour revigorant.

D'autres aspects de la sexualité sont disséqués, dans des articles souvent pertinents mais sans autre...lien que celui du sexe : pédophilie, traumatismes divers, psychologie.
On s'étonnera au final que le dossier comporte aussi peu d'extraits littéraires, qu'il ne suscite chez nous aucun émoi mais un simple intérêt intellectuel.

LE LITTERRORISTE

19 janvier 2008

Sexe et dépendances

Le dernier opus de Stephen McCauley s'attache à quelques mois de la vie de William, agent immobilier homo à Boston. Les tours du World Trade Center se sont écroulées depuis peu, toute l'Amérique vit dans la psychose et des désirs contradictoires de sécurité, de défoulement, de spiritualité. Entre une locataire qui le culpabilise au point de lui faire accepter de ne pas payer de loyer et de lui faire faire son repassage, des amants furtifs rencontrés sur internet, et ses obsessions pour le nettoyage, William voit sa vie passer, défiler. Il s'attachera à un couple d'acquéreurs, fantasmant en eux l'image du bonheur et d'un amour vrai, pour se rendre compte au final de leurs faiblesses et ainsi mieux assumer les siennes.

Les personnages décrit par Mc Cauley dans Sexe et dépendances ne sont pas tous attachants. Les femmes y sont notamment décrites comme individualistes et autoritaires. Mais les personnages existent, ont une complexité, une âme, des préoccupations, une évolution et c'est par ce biais que l'auteur arrive à nous intéresser à une intrigue somme toute assez banale, une plongée dans le quotidien de l'Amérique bobo, entre cours de yoga, parfums sur mesure, investissements immobiliers et une peur viscérale de vieillir.

LE LITTERRORISTE

09 janvier 2008

La nuit nous appartient

Encore un film sur la Mafia russe ? Peut-être, mais là où le Cronenberg nous avait déçu, dans sa peinture trop caricaturale du milieu (le propos n'était pas là, mais dans la description de la violence), James Gray nous tient en haleine par des personnages complexes qui jouent avec les archétypes des rapports familiaux. Le rythme est lent, le propos très cinématographique, la photo soignée. De belles idées de plans, un certain onirisme (la séquence dans les roseaux), tout cela installe un vrai climat.

La nuit nous appartient réussit là où on ne l'attendait pas : ce n'est pas un film d'action, mais une contemplation qui touche parfois au mythe.

LE LITTERRORISTE

01 janvier 2008

Les règles élémentaires pour l'écriture d'un scénario

Blake Snyder est un scénariste à succès hollywoodien. Dans cet ouvrage de vulgarisation devenu un classique, il décrit la mise en place d'un scénario efficace. Comme d'habitude chez les auteurs américains, le texte est très clair, très concret, l'auteur syntéhtise avec humilité un peu de son savoir concernant la dramaturgie. On pourrait s'offusquer d'un savoir-faire tourné tout entier vers l'efficacité économique (un bon film c'est un film qui fait beaucoup d'entrées), on pourrait aussi se scandaliser lorsque Snyder assume sans détour que le public numéro un du film hollywoodien est celui des teenagers, mais ce serait oublier que le scénariste n'est pas dans la posture de changer l'industrie du cinéma: mis en concurrence, il doit sans cesse se confronter aux autres, réécrire sans fin ses histoires. Snyder énumère donc ce qui marche, ce que l'on attend d'un scénariste dans le contexte du cinéma US actuel, et du public qui est le sien.

On s'étonnera de la diversité des films cités (Snyder a apparemment souhaité agrémenter l'édition française de références "locales") et on s'attardera sur les catégories de films que l'auteur propose de distinguer, catégories très pertinentes qui ne se réfèrent pas à des genres (la comédie romantique, le film d'action...), mais à des situations dramaturgiques.

Quant à la structure narrative proposée, elle se développe suivant une progression classique (proche de la structure archétypale des contes de fées) à l'issue de laquelle le personnage principal doit avoir évolué.


LE LITTERRORISTE