24 février 2008

Marcel Duchamp

Le Duchamp de Bernard Marcadé ne se laisse pas avaler d'une traite. La chose est imposante, et peut faire peur par sa longueur et sa densité.

Retracer la vie d'un homme qui a mis en oeuvre la paresse comme mode d'existence, qui l'a même théorisée, est ardu. Celui que Breton tenait pour l'homme le plus intelligent du XXème siècle a peu produit, ce qui donne une idée de la puissance, de l'influence des quelques oeuvres réalisées avant sa mort en 1968.
Se plonger dans la vie de Marcel Duchamp, c'est se retrouver dans le milieu parisien du début du siècle, au coeur des querelles artistiques, des chapelles, des écoles, des inimitiés, des poses. proche des dadaïstes comme des surréalistes, Duchamp refusera toujours de s'engager ici ou là, restera soigneusement en retrait des mouvements et de leurs querelles.
On croise donc les figures de Breton, Man Ray, Max Ernst, Dali, Soupault, Picabia... Très vite, Duchamp passe le plus clair de son temps à New York, dans un svant mélange d'anonymat quotidien et de star de l'intelligentsia.
Il s'adonne aux femmes et aux échecs, après avoir arrêté la peinture très tôt, n'yant selon lui "plus rien à dire". Le Grand Verre, comme Etant donnés, seront ainsi réalisés très lentement, au fil de longues années, comme un process intégré dans le vie de Duchamp, qui ne souhaita d'ailleurs pas les achever complètement. Ce qui frappe, c'est le dynamisme de l'art français il y a un siècle. Des artistes vivant dans une certaine indépendance, loin des caciques subventionnés d'aujourd'hui, pour qui être rentier de l'Etat est un droit. Comment en sommes nous arrivés à notre inexistence d'aujourd'hui ? Le livre éclaire la transition progressive de Paris vers New York du centre de gravité de l'art moderne puis contemporain. Là encore, Duchamp, visionnaire, sent les choses changer et accompagne le mouvement de l'Histoire.
Ce que l'on peut regretter chez Marcadié, c'est finalement l'absence des oeuvres, qui ne sont ni reproduites dans l'ouvrage, ni véritablement décrites et analysées. Certes, on pourra objecter que d'autres l'ont déjà fait, ou que ce serait l'objet d'un autre livre, mais une analyse détaillée du Grand Verre ou d'Etant donnés eut été salutaire pour mettre en relation les conditions de la réalisation (décrites) avec l'intention de l'anartiste comme Duchamp aimait à se définir.

Au final, une somme un peu indigeste, qui manque un peu sa cible.

LE LITTERRORISTE



17 février 2008

Richard Rogers à Beaubourg

Richard Rogers est avec Renzo Piano, co-auteur du Centre Georges Pompidou. Le bâtiment qu'il a a créé abrite aujourd'hui une exposition retraçant sa carrière. Comme pour l'exposition Renzo Piano qui s'était inscrite dans le même lieu, l'accent est mis sur les maquettes, maquettes de grande taille. Cette échelle des modèles entretient un rapport étroit avec la méthode de travail de Rogers, qui, comme Piano, privilégie l'artisanat et le prototype (voir à l'entrée de l'expo la maquette échelle 1/2 d'un noeud structurel).

On suit la carrière de l'architecte italo-anglais chronologiquement, de ses débuts, sa rencontre avec Norman Foster au sein de Team 4 (beau projet de maison préfabriquée), à son association avec Renzo Piano et leur collaboration avec Peter Rice, l'ingénieur surdoué spécialiste des structures métalliques qui fera partie de l'équipe jusqu'à sa mort en 1992. Suivent les projets de Rogers après la séparation (dont la Llyod's à Londres, cf photo de la maquette) et son activité d'architecte conseil pour l'urbanisation de Londres. C'est là, précisément, que se situe le point faible de l'exposition, qui met insuffisamment l'accent sur les réflexions de Rogers sur la ville contemporaine. Etonnant que dans un contexte d'urgence écologique, une telle exposition parle si peu de ces problématiques, c'eût été sans doute l'occasion de les expliciter au grand public, d'autant que Rogers a cette pertinence du verbe, cette absence d'effets oratoires, qui rendent son discours lumineux, comme le montrent les quelques vidéos d'entretiens qui sont diffusées.

LE LITTERRORISTE

Photos : Littérroriste

09 février 2008

Les oubliés


Dernier roman de Christian Gailly, Les oubliés nous replonge avec bonheur dans les histoires simples mettant en scène la vie, l''amour, les rencontres, le hasard. Dans un style très oral, qui pousse encore plus loin une certaine radicalité de la simplicité et de l'oralité, l'ancien jazzman nous émeut, nous parlant d'histoires d'adultes affrontant l'épreuve du temps, de l'usure des couples, du deuil, de l'oubli.

Très beau livre.

LE LITTERRORISTE

01 février 2008

Techniques du chaos

Techniques du chaos est un petit recueil d'articles de Timothy Leary parus entre 1984 et 1993.

Petit cours de rattrapage : Timothy Leary, à l'origine psychologue enseignant à Harvard, Leary fait l'expérience des champignons hallucinogènes avant de lancer un programme d'expérimentation du LSD à l'université, au début des années 60. En 63, il est viré car la nature de ses recherches commence à faire tâche dans l'université. Il devient un personnage emblématique du mouvement hippie, qui le cite dans plusieurs chansons de la fin des années 60. Il rencontre Ginsberg et Huxley. Il est ensuite poursuivi pour détention de drogue et incarcéré pendant plusieurs années.
Il s'évade en 70, avant d'être capturé quelques années plus tard en Afghanistan. Il est libéré en 76 et développe une réflexion sur les niveaux de conscience, à mi-chemin entre recherche scientifique et étude de la méditation.
Les articles réunis ici datent de l'émergence de l'informatique pour tous, émergence que l'on peut dater du premier macintosh (intérface graphique, utilisation de la souris). Visionnaire, Leary invente le terme cyberpunk (qu'il définit comme pilote du réel) et prévoit déjà le rôle d'internet en tant que rassemblement de l'information. Sa lecture est éminément optimiste: à cents lieues de tout principe de précaution, celui qui faisait ingurgiter du LSD à ses étudiants fait l'apologie du cybersexe et de la connaissance partagée.
Celui qui était devenu au fil du temps une sorte de gourou des quadras de la silicon valley s'est donné la mort en direct en 1996.
Un petit livre qui mesure le chemin parcouri et les intuitions fondatrices d'un homme libre.

LE LITTERRORISTE