24 avril 2008

W ou le souvenir d'enfance

J'ai toujours beaucoup aimé Perec, sans réellement réussir à définir pourquoi. L'appartenance à cette bande d'iconoclastes joueurs rigolards et mathématiciens que fut l'Oulipo ? Cet humour permanent et sous-jacent, comme blotti au cœur de chaque phrase? L'irruption d'une émotion au hasard d'un souvenir ?

Tout cela est bien inscrit en creux dans W ou le souvenir d'enfance, récit atypique (et donc typique dans l'oeuvre de Perec !) composé de deux voix : l'une est celle de Georges Perec qui revient sur son enfance et compare les souvenirs qu'il en a à la réalité telle qu'il tente, trente ans après, de la reconstituer : translations de noms, de personnes, inversions de lieux, erreurs sur les dates, souvenirs fantasmatiques... ces souvenirs prennent place dans la guerre et dans l'exode de Perec, de famille juive, dans le sud de la France pour échapper aux rafles, alors que sa mère est déportée (il ne la reverra pas).
Parallèlement, récit imaginaire qui s'ouvre sur l'histoire d'une disparition mystérieuse pour passer brusquement, comme un enfant changerait de cahier à spirales, à la légende de W, île-république fondée autour du culte du sport. De chapitre en chapitre, le récit, d'abord idyllique, se fait de plus en plus dérangeant, pour aboutir à la description d'une société fasciste d'une cruauté sans pareille, où le viol et le meutre sont nou seulement tolérés, mais secrètement encouragés, au sein d'un système politique qui vise à l'esclavage de tous. Comme le récit de Perec le fait avancer chronologiquement vers le moment de la fin de la guerre (et donc celui du vide et de la révélation de la perte de ses proches et de l'horreur nazie), l'histoire de W nous révèle peu à peu l'envers d'une société parfaite.
La Disparition était un livre dont la structure était aussi le sujet (la disparition de la lettre E).
W porte ainsi en creux l'histoire du nazisme, et la vertu réparatrice de nos souvenirs menteurs.

Le Littérroriste

20 avril 2008

Trente ans et des poussières

Trente ans et des poussières est le roman majeur de Jay Mc Inerney, celui par lequel il confirma le talent que l'on avait pu déceler dans ses premiers romans. A l'instar de La belle vie, qui poursuivra l'histoire de ses protagonistes, le livre s'organise autour d'une catastrophe, ici le krach de 1987, dans La belle vie, le 11 septembre 2001. Avant/après, ce qui change, et comment les faux-semblants explosent d'un coup, nous laissent face à nos contradictions.
Jay Mc Inerney sait comme personne explorer les tentations de l'âme, les compromis. Il ne juge pas ses personnages : pas de bons, pas de méchants, mais des gens en train de confronter leurs idéaux au monde, en passe de se demander jusqu'où céder.

Emergence du SIDA, fin de l'insouciance sous coke des années 80, fin de l'argent facile, retour de flamme du réel?

Un roman magnifique, qui sonne la fin d'une époque et l 'entrée dans la maturité pour le romancier.

Le Littérroriste

13 avril 2008

Bleu Pétrole

En 2002, le dernier Bashung, Imprudence, nous avait fait toucher au divin : paradoxe d'un homme parvenu au faîte de sa gloire au moment où son art atteignait une absence totale de concessions, mélodie déconstruites, fragments parlés, lambeaux de musique concrète, poésie fulgurante.
Bleu Pétrole revient à plus de classicisme, dans la lignée d'Osez Joséphine, dont il reprend l'inspiration pop-folk voire country et le mélange de nouveaux morceaux et de reprises...

Entre ruptures amoureuses, métaphores politiques, nostalgies soixante-huitardes (reprises de Manset, de Cohen), l'album est frais, mais n'apporte rien de nouveau à l'univers d'Alain Bashung.

Le Littérroriste