29 mars 2009

Robert Frank au Jeu de Paume

Deux séries sont présentées : Americans, peut-être le travail le plus célèbre de Robert Frank, réédité récemment, et Paris, datant du début des années 50, alors que le photographe était installé à New-York. Americans : regard très particulier, entre documentaire et subjectivité, réalisme social et onirisme, sans effet de manche, sans tralala. Désacralisation du rêve américain d'un côté et re-création d'une mythologie de l'autre, mythologie d'un quotidien urbain qui frise parfois l'étrangeté. La série sur Paris est moins constante et nous touche moins, peut-être parce que cette ville nous est mieux connue que la complexité du continent USA, que nous manquons de cette distance chère à l'anthropologue.

En prime, les films du maître.

Le Littérroriste


17 mars 2009

Gran Torino de Clint Eastwood

Clint Eastwood a assez de recul et d'intelligence pour jouer de sa légende, comme des malentendus qui l'encombrent. Jadis traîné dans la boue par la gauche (les catholiques de gauche ?) qui le traitait de fasciste et ne décelaient pas les bribes d'humour dont il parsemait son oeuvre comme les réelles avancées politiques que ses films traduisaient, Eastwood joue à se peindre comme un vieux réac armé sirotant des bières sous sa véranda tout en râlant sans cesse contre les basanés et les jaunes du quartier. Itinéraire initiatique inversé où un jeune asiatique va peu à peu faire évoluer le vieil homme qui trouvera dans une mort orchestrée le point d'orgue d'une vie myhtique, mythique comme la Gran Torino parfaitement astiquée qui le renvoie sans cesse à sa grandeur passée, à ses rêves enfuis. Un beau film, qui n'atteint toutefois pas l'intensité dramatique de Mystic River par exemple. La faute peut-être à une photo moins maîtrisée et à l'absence de temps morts, de moments où le film s'inscrirait dans le lieu, dans sa texture, sa matière.

A voir, quoi qu'il en soit, évidemment.

Le Litterroriste

15 mars 2009

Mort d'Alain B.

Petit moment de tristesse hier, Alain Bashung nous a quittés. Les Victoires de la Musique lui avaient rendu un hommage qui sentait bon le sapin, mais nous n'imaginions pas que la fin serait si rapide.
Hommage donc à un être qui a su garder sa ligne, si chaotique et tortueuse qu'elle ait été, un musicien qui a su concilier exigence et popularité, qui a connu l'un de ses plus gros succès avec un album (l'imprudence) radical et expérimental. Quelques bribes de souvenirs : ce concert à Toulouse dans une boîte de nuit de banlieue à l'époque de Novice (cf pochette ci contre), concert où il était apparu, après dix minutes de guitares électriques dans uen obscurité totale, lunettes noires et pantalon de serpent.
La tournée des grands espaces, au Bataclan avec ce moment éprouvant pour les anciens fans où il avait tenu à chanter avec sa femme. Et cette dernière fois, à la Cité de la Musique, entouré de ses amis, moment chaotique, bordélique, qui résonnait en moi comme la transposition de ma vie d'alors.
Élégance, exigence, vision esthétique. A l'écart des modes. Trop timide et trop vrai pour aimer le show-bizz.

De tels personnages sont rares. Réminiscences de la disparition de Desproges.

Le Littérroriste

14 mars 2009

Le démon d'Hubert Selby Jr.

Hubert Selby Jr. a 48 ans quand il publie Le démon. Le personnage principal, Harry White est un jeune employé prometteur dans une société new-yorkaise. Ses pulsions intérieures le poussent à mettre en danger son avenir professionnel puis sa vie affective et familiale. Il est question de sexe, de pouvoir, de faux-semblants, de meurtre. Le modèle américain l'est-il pour tous ? Pourquoi quelque chose pousse-t-il certains à tout mettre en l'air, n'est-ce qu'un "dommage collatéral" ou en réalité l'objectif caché d'une spirale destructrice ?
Une fois de plus, le style séduit. Aucun dialogue au sens propre du terme, c'est à dire au sens questions/réponses mais des conversations insérées au coeur du texte, indissociables de l'action.

A lire.

Le Littérroriste

07 mars 2009

L'empiafée, one woman show

One woman show délirant, L'empiafée croise le café-théâtre du Splendid avec Edith Piaf. Si le spectacle se tient de bout en bout, c'est que le discours n'est jamais révérencieux. Chaque chanson prend place dans une intrigue grâce à des arrangements qui flirtent avec tous les genres musicaux. Car Christelle Cholet est une vraie chanteuse, dont le physique mi-bombasse mi-Zézette cache une technique vocale sûre. Un spectacle jubilatoire, actuellement en tournée en France, de retour à Paris début avril.

Le Littérroriste

01 mars 2009

Les "Victoires" de la musique 2009

Décidément, la variété franchouillarde sombre année après année. Les professionnels de la profession, comme disait ce cher JLG, semblent ne pas comprendre qu'ils épuisent eux-mêmes leur fonds de commerce en faisant la promotion de ce qu'il y a de plus insipide, de plus faux, de plus rabâché. Certes, Bashung a raflé plein de récompenses, mais qu'avait-il à prouver ? Son dernier album était-il le meilleur, notamment si on le compare au précédent, le superbe L'imprudence ?

Ne fréquentant pas les salons de coiffure, je ne sais pas de quoi Bashung est malade, pourquoi il a tant maigri, et cache un crâne qu'on imagine entièrement lisse. Toujours est-il que ces trophées sonnaient comme un enterrement programmé avec aux commandes le très visqueux Nagui qui ne rate aucune occasion de célébrer les poncifs journalistiques (le "grand monsieur de la chanson française", etc.)
Passons également sur ce constat inquiétant : plus de la moitié des artistes présents sont, pour ainsi dire, des fils à papa: Arthur H (Jacques Higelin), Thomas Dutronc (fils de Jacques), Martin Rappeneau (fils de Jean-Paul le réalisateur), Vincent Delerm (fils de Philippe l'écrivain). Manquaient à l'appel M (fils de Louis Chédid lui même fils d'Andrée Chédid, écrivain), la chanteuse de Superbus (fille de Chantal Lauby) et la fête eut été plus complète.
Mais il y a beaucoup plus grave que ce côté "famille du spectacle", autrement dit "on reste entre nous". Il y a la médiocrité aspetisée des mutants de la télé-réalité qui nous assènent année après année leurs personnages préfabriqués, leurs chansons sans âmes aux tics vocaux devenus comme une marque de fabrique, celle d'une industrie en perte de vitesse qui n'a pas réalisé que seul un retour à un peu d'authenticité, de recherche et d'originalité pourrait redonner envie d'écouter de la musique. Car ce que masquait cette cérémonie pleine de bons sentiments, remplies à ras-bords de soi-disants artistes engagés aux rengaines minables et aux textes aux relents fascisants (Cali, Saez), c'est que la baisse des ventes de disques n'est pas compensée par l'essort du numérique. En bref, on achète de moins en moins de musique : le public se désinterresse de cette industrie, de ses stars imposées qui depuis 40 ans trustent les ondes, de ses petits copinages, de ce marketing qui vend de la musique comme on vend de la soupe.

Dommage donc, le cru 2009 comportait de bonnes bouteilles, mais ni les imaginatifs the DO, ni l'émouvante Berry, ni la talentueuse Yael Naim, ni enfin la belle Micky Green n'ont eu la reconnaissance qui leur eut permis d''augmenter leur diffusion : plébiscite de la profession à l'insupportable Julien Doré (dont l'album Ersatz porte bien son nom) et aux inventeurs de l'eau tiède les BB Brunes, qui nous balancent un rock aseptisé en nous donnant vraiment l'impression de se prendre pour des punks purs et durs.

Au final comme l'impression d'assister, de loin, au naufrage du Titanic.

Le Litterroriste