19 juillet 2009

Le roi de l'évasion

Lassés d'un cinéma français finalement plus formaté que son anti-modèle américain? Fatigués de voir toujours les mêmes acteurs jouer toujours les mêmes scénarios aux présupposés éculés et politiquement corrects ?
Ce film d'Alain Guiraudie est fait pour vous.
Ici, pas de bons et de méchants, pas de victime, mais des êtres de chair et de sang confrontés au choix et à son corollaire, l'indécision. Armand, vendeur en matériels agricoles, homosexuel vieillissant et gras, vit une crise de la quarantaine qui le voit se troubler - entre deux flirts sur les lieux de drague gay - pour une adolescente sensuelle, fille de l'un de ses amis. Dans le roi de l'évasion, les homosexuels ne sont pas des figures rimbaldiennes ou christiques ni des top-models émaciés mais des hommes communs, dans la fleur de l'âge, qui ne vivent aucun sacrifice mais les questionnements de tout un chacun. Scènes de sexe assez explicites avec une dose d'humour permanente, un côté rabelaisien qui cadre avec le lieu (le Sud-Ouest près d'Albi) des (d)ébats. Les faux-semblants sont laissés de côté dans un film qui dédramatise les choses (l'homosexualité, l'amour avec une mineure, les hallucinogènes,etc.) , aux antipodes de notre chère Ségolène R. Rien de glauque, rien d'infantile, pas de discours pro ou anti homosexualité, après la fuite éperdue d'Armand (Ludovic Berthillot) et de sa jeune dulcinée (Hafsia Herzi), ponctuée d'étreintes champêtres, le film se referme sur une scène cocasse, orgie sylvestre homo dopée aux hallucinogènes, orgie qui ne tranche en rien sur le dilemme d'Armand, entre voile et vapeur.
Le film d'un esprit libre, loin des cynismes convenus de l'industrie du film parisienne, cette "grande famille" qui selon Gérard Darmon, n'existe pas.

Le Littérroriste




12 juillet 2009

Né dans la rue - Graffiti

Comment exposer le graffiti dans un lieu neutre, où les œuvres sont interchangeables ? La Fondation Cartier tente de répondre à cette question avec cette exposition, qui envahit les espaces intérieurs de la Fondation, mais aussi son environnement (palissade de bois disposée le long de la façade sur rue). 35 ans après, comment montrer l'aventure new-yorkaise de Lee Quinones, Futura 2000 et autres Lady Pink ?
Le dispositif de Né dans la rue a au moins le mérite d'être simple : au rez de chaussée: une salle pour les "héritiers" du mouvement (sans grand intérêt, avec un manque de mise en perspective des auteurs vraiment problématique) , et une salle de projection, beaucoup plus intéressante, avec notamment un documentaire sur les pixadores de Sao Paulo pour qui les bâtiments de Sao Paulo deviennent réellement les pages d'un écrit gigantesque.
Au sous-sol, les murs périphériques reproduisent des fresques restées célèbres. Malheureusement, l'éclairage et le manque de recul ne permet pas de les apprécier correctement. Quelques photos de rames de métro refaites à la sauce hip-hop nous permettent de distinguer les différents styles graphiques du début des années 80. Des armes de guerre (les bombes de peinture, les clés permettant d'ouvrir les rames de métro, un uniforme de chaminot pour mieux s'introduire dans les terminaux du métro) précédent la liste touchante des morts au front, décapités par des ponts, coupés en deux par des rames, etc.) Des extraits de Wild Style (avec Lee Quinones dans le rôle principal) sont projetés, entre un Basquiat (avec qui Quinones a partagé un atelier au début de sa carrière) et un Keith Haring. Enfin, une projection signée Evan Roth capte la gestuelle de l'acte calligraphique en une vidéo noir et blanc pixellisée du plus bel effet.

Au final, une exposition intéressante, même si elle échoue à représenter clairement la genèse des motivations, des pratiques et des styles.

Le Littérroriste

ps: pour la route, une photo de Lee devant le garage de son atelier, prise par votre serviteur en 2000, photo évidemment inédite.