24 août 2010

Déménagement du blog

Chers lecteurs, le blog déménage sur le site du Monde:
sa nouvelle adresse:

www.litterroriste.blog.lemonde.fr

31 mai 2010

Amour, Prozac et autres curiosités, de Lucia Etxebarria

Chronique des années Almodovar, Amour, Prozac et autres curiosités met en scène trois sœurs névrosées dans une Espagne en pleine libération des moeurs, confrontée à l'irruption soudaine de la modernité. Sexe, drogue, déprime, schémas familiaux.... Cristina, Rosa et Ana dessinent le portrait d'une époque, portrait en forme de puzzle pessimiste, joyeusement destroy. Manque peut-être de la matière, de l'épaisseur à des personnages qui défilent comme des ombres, anamorphoses d'une même réalité.

Le Littérroriste

16 mai 2010

The empire strikes back à la Saatchi

Petit tour il y a quelques jours à la Saatchi de Londres pour une exposition mettant en scène l'art contemporain indien. Quel lien entre des artistes qui ne vivent pas tous sur le sol déjà si vaste du sous-continent indien? L'hybridation des cultures, entre tradition et modernité, Inde et Occident ? Ce qui transparaît très clairement, c'est une omniprésence de la texture, souvent résultante d'une accumulation de sous-objets, telles les oeuvres de Jitish Kallat (Public Notice 2), ou de Subodh Gupta (UFO, en photo par votre serviteur ci-contre, Spill...). D'autres, comme Chitra Ganesh, mixent comics, mille et une nuits et discours féministes, alors que Mansoor Ali, par l'accumulation (formant en quelque sorte elle-aussi texture) de chaises empilées, donne à sa Dance Of Democracy (cf photo ci-contre) une ironie salvatrice. Le rapport à la modernité est plus fréquemment symbolisé par les jeux autour de la lumière, du signe lumineux, du néon, comme chez Shezad Dawood ou Tushar Jog.


En sortant d'une visite à la Saatchi, ne pas oublier de jeter un coup d'œil à deux œuvres majeures :
American Servicemen And Women Who Have Died in Iraq And Afghanistan (But Not Including The Wounded, Nor The Iraqis Nor The Afghans) d'Emily Prince, qui dresse le tableau exhaustif (et donc en évolution constante) des victimes américaines de la guerre, fiche par fiche, dessin par dessin, mais aussi le 20:50 de Richard Wilson, oeuvre plus architecturale, où une pièce reçoit un lac d'huile de vidange, surface noire parfaitement réfléchissante qui constitue la base optique d'un jeu sur la profondeur et la perspective.


Le Littérroriste

14 mai 2010

Terra Nova - DJ Spooky à la Cité de la Musique

On attendait le touche à tout DJ Spooky AKA Paul D.Miller dans un registre électro voire musique concrète. On avait rêvé des samples de vents, de craquements, de vagues...
Le concert donné ce mardi 11 mai fut de toute autre nature : l'ensemble Alter Ego (violon, violoncelle, piano) constituait un indice. Le discours préliminaire de Miller insistait déjà sur des filiations minimalistes et la prépondérance de la géométrie. Premiers coups d'archet, premières images sur un écran double, dont la dualité fut exploitée dans ses effets de miroir (image symétrisée), de panoramique (les deux écrans constituant une seule image), d'opposition, etc.
DJ Spooky aux platines joue sur la densité du son, son épaisseur, sa matérialité. Il le sculpte comme il sculpterait un bloc de glace, sans fioritures. Le violon, le violoncelle se dédoubent, se multiplient. Le piano tient un rôle plus pointilliste, parfois plus percussif.
La composition est répétitive, minimaliste, très Steve Reich. Elle ne laisse que peu de place au répit, nous maintient dans une tension continue, quelque peu éprouvante. Sur les écrans les images nous content l'Antarctique, sa géométrie, sa politique, ses problématiques, son histoire. Belle évocation des pionniers au travers de films de propagande russes notamment.
Au final, un concert à prendre ou à laisser, où la séduction des images éclipse une musique qui cherche moins à plaire qu'à se placer dans une certaine filiation. Curiosité, exercice de style ou besoin de reconnaissance ?

Le Littérroriste.

12 mai 2010

Life during wartime de Todd Solondz

La guerre dont il est ici question n'est que métaphorique. Les soeurs de la famille Jordan vivent des existences douloureuses, entre mari pédophile sur le point de sortir de prison, boyfriend obsédé, fantômes du passé, envies de refaire sa vie... Culture juive, imperfections humaines. Le tout baigne dans une atmosphère onirique que les apparitions de Paul Reuben (Pee-Wee) ne fait que renforcer. Un film fort, tendu, dynamisé (dynamité?) par un humour sans limites, telle cette scène où la mère de retour d'une first date avec son nouveau prétendant (vieux et gros), dévoile à son fils qu'elle est mouillée. Acteurs formidables, incarnant réellement leurs personnages, avec à la clé l'apparition furtive d'une Charlotte Rampling très en forme.

Recommandé.

Le Littérroriste

08 mai 2010

Paris insolite, de Jean-Paul Clébert

1952. Jean-Paul Clébert a tout juste 26 ans mais connaît déjà Paris comme sa poche, ou plutôt, il connaît de Paris toutes ses poches, ses interstices, ses failles, ses combines d'un soir, ses amours furtives, ses refuges enfumés.
Il tire de ses errances de clochard ce Paris insolite inspiré.
On pense à Louons maintenant les grands hommes, de James Agee. Le Walker Evans de Clébert est Patrice Molinard, qui, comme son illustre aîné, offre un contrepoint sobre et très documentaire à une écriture lyrique, folle, qui parcourt la capitale à cent à l'heure.
Chroniques d'un Paris en voie de mutation, d'un Paris d'avant le périphérique, d'avant le RER, d'un Paris d'où la classe ouvrière commence à partir, d'un Paris qui commence juste à être nettoyé, aseptisé, où la souffrance humaine ne doit plus être vue.
Histoires incroyables du Paris d'il y a 60 ans comportant bordels pour clochards, vente de peau humaine tatouée, secrétaires peu farouches à la sortie du bureau, abris de fortune, bains quotidiens dans la Seine.

A lire d'urgence.

Le Littérroriste

17 avril 2010

The Ghost-writer de Roman Polanski

On pouvait s'attendre à tout concernant ce film: on fantasmait Polanski réglant de loin ses affaires avec les Etats-Unis, Ewan Mc Gregor soudainement devenu plus profond et l'intrigue moins classique que celles des derniers opus du réalisateur franco-polonais.
Malheureusement, le pari du film (une sobriété étouffante, un suspense hitchcockien,) n'est pas tenu. L'angoisse censée se diffuser peu à peu n'est pas là, comme en témoigne la séquence où le nègre qui écrit les mémoires d'un ex premier ministre anglais - ressemblant fort à Tony Blair - revient sur la terre ferme pour enquêter sur la mort de son prédécesseur.Il se sent alors suivi, menacé, etc. situation que le grand Alfred aurait sans doute poussée à son paroxysme, notamment par une meilleure utilisation des temps morts, ces moments où il ne se passe rien mais où quelques détails suscitent l'inquiétude.
A la sortie de cet honnête travail, on se surprend à se demander si Polanski n'est au fond, pas un cinéaste surcoté, tant sa production est inégale et finalement, classique.

Le Littérroriste

11 avril 2010

Un don de Toni Morrison

Une histoire simple, quelques personnages perdus dans un continent en mutation, à la fin du XVIIème siècle. L'esclavage, les passions, les drames. Toni Morrison nous emmène dans l'intimité des pensées de ses personnages dans un livre intimiste, sensuel et mélancolique, où la poésie transfigure le temps.
Un don est aussi un livre sur ce que c'est que d'être afro-américain, sur la quête de cette impossible identité.

Recommandé.

Le Littérroriste

28 mars 2010

Eastern plays

Récit bulgare d'une errance, à la frontière entre fiction et réalité, méthadone et rock'n roll.
Le film de Kamen Kalev part de la vie de son acteur principal, Christo Christov, pour accoucher d'une fiction en prise avec le réel, avec des personnages mal en point, qui ne trouvent pas leur place.
Une mise en scène sobre rend crédible le désir de pureté du personnage principal, Itso, désir personnifié par la rencontre avec une jeune Turque de passage.

Christo Christov est mort avant la sortie d'Eastern Plays, d'une crise cardiaque.

Le film, avec ses défauts, son imperfection, est une réussite.

Le Littérroriste

08 mars 2010

Underworld USA de James Ellroy

Des années d'attente, d'addiction non récompensée, de passages au rayon polars d'une grande surface culturelle. Rien de consistant à l'horizon. Où avais disparu James Ellroy ? On apprend au hasard des interviews que l'écrivain bouledogue a dérivé de mariage en lambeaux en séparations difficiles. Il y aurait alors un cœur qui bat derrière la façade préfabriquée d'un homme qui, pour se protéger, s'est créé un double médiatique, à l'instar d'un Bob Dylan?
Underworld USA le prouve à sa manière. La violence est toujours là, la cupidité, le meurtre, les addictions sordides, les petits intérêts, les politiques tordus... Mais derrière tout ça perce l'espoir d'une rédemption, celle d'hommes de droite - voire d'extrême droite - soudainement attirés par l'aura de gauchistes passionnées, prêtes à tout pour conserver quelques bribes d'idéal. Si les hommes meurent, après une vie de meurtres et de manipulations, de masques et d'évitement, ils le font dans un geste gratuit, dans une tentative de tout effacer par la grâce d'un acte héroïque. Ellroy met à mal l'histoire américaine dans ce qu'elle a de plus mythique (les années 60, les Kennedys, Martin Luther King, etc.), mais de ce naufrage surnagent quelques hommes et femmes libres malgré le système, libres au sein du système. L'écriture est puissante, nous emporte définitivement une fois les personnages (re)calés en nous (le roman suit chronologiquement American Death Trip dont onretrouve certains personnages). 840 pages d'ombre et de lumière, la confirmation d'un grand auteur de polar certes, mais d'un grand romancier tout court, maître de l'âme humaine.

Le Littérroriste



07 mars 2010

Les 39 marches, la pièce !

Adaptation délirante du film d'Alfred Hitchcock, les 39 marches procède du détournement de la contrainte comme procédé créatif. le manque de moyens, de technicité, d'une salle de théâtre conventionnelle, devient prétexte à invention de procédés pleins d'humour ou de poésie.
Pièce à plusieurs niveaux de lecture : la parodie, d'un humour presque potache, la créativité de la mise en scène de Métayer, ou la cinéphilie absolue d'une pièce qui reste très fidèle aux scènes du film, à son montage-même.

Les comédiens sont excellents et nous livrent quelques morceaux de bravoure, comme dans cette scène de l'arrêt du train en gare, où les répliques induisent des changements perpétuels de rôle de la part des comédiens, à un rythme effréné, avec un jeu sur les accessoires dignes de Chaplin.

A voir.

Le Littérroriste





06 mars 2010

A serious man des frères Cohen

Etrangeté radicale d'un film situé non à mi-chemin mais à la fois dans le registre du questionnement sur la judaïté et celui de l'émergence de la révolution sexuelle.
Faux-rythme, dans lequel le décalage des situations flirte avec l'ennui, funambulisme d'un récit au scénario très mince (c'est souvent le grand défaut des films des frères Cohen, qui s'écroulent souvent au bout de 60 minutes) qui compose avant tout des ambiances, schizophrénie d'un cinéma qui se veut à la fois commercial et d'auteur.

A serious man est un ovni inaccompli et attachant.

Le Litterroriste

20 février 2010

Un léger passage à vide

On avait connu Nicolas Rey chez Pascale Clark. Ses chroniques traitaient de tout sauf des invités, petits morceaux d'évasion, tentatives d'échapper à la médiocrité d'un monde (celui du show-biz) qu'il semble abhorrer. Son dernier opus - qualifié de roman, mais on y cherchera vainement la trace de la fiction - navigue dans ces mêmes eaux troubles. N'est pas Bukowski qui veut, et le charme du destroy à la française n'égale pas la noirceur américaine, aux destins autrement brisés. Car ce qui caractérise Rey, c'est qu'il fait partie du monde qui le détruit, qui le déprime. Prisonnier du parisianisme chic, de ses cynismes de pacotille, Rey se réfugie dans un infantilisme qui touche parfois à la poésie, parfois au ridicule.
Dommage que l'auteur ne se livre jamais tout à fait, qu'il ne fasse qu'effleurer ses blessures, ses pensées.

Un léger passage à vide est un livre attachant, mais bourré de défauts, comme son auteur.

Le Littérroriste

07 février 2010

Micmacs à tire-larigot de Jean-Pierre Jeunet

Le dernier Jeunet est une énigme : comment avec un casting pareil faire un tel four ? On retrouve bien les intentions habituelles du réalisateur de Delicatessen et d'Amelie Poulain, cette création d'un folklore néo-réaliste un peu loufoque, mais la mayonnaise ne prend pas. Les coupables ? Un scénario indigent, beaucoup trop linéaire, et une pauvreté graphique qui laisse souvent penser que l'on visionne un téléfilm à petit budget colorié en jaune. Banalité de la photo donc (leitmotiv du cinéma français) pour un film qui passera très vite.

Le Littérroriste

31 janvier 2010

L'incident de Christian Gailly

Christian Gailly est un équilibriste. Peut-être doit-on à son amour du jazz (cf un soir au club) ce sens du porte-à-faux, du faux-pas vite maîtrisé, cette propension à faire de l'inattendu (de l"incident") un motif stylistique, comme un improvisateur fait de la répétition d'une erreur une nouvelle esthétique.
Il est donc ici question d'équilibre, d'incident, de fragilité des trajectoires, de vol à vue...
L'amour qui tombe par hasard, que l'on accepte ou que l'on refuse, parce qu'il cadre ou non avec la trajectoire initiale. Un phrasé inimitable, fait de mots simples qui s'entrechoquent. Des personnes qui touchent, qui parviennent à l'existence malgré une vraie simplicité.

Le Littérroriste