25 juin 2007

La femme fatale

Une affaire d'instinct...
Début des années 80, nous sommes adolescents. Poniatowski déclare, peu avant la présidentielle de 81 que si Mitterrand est élu, les chars russes débarqueront à Paris sous 15 jours.
La droite française est réactionnaire, coincée, puritaine, familiale, militariste.
Un saut dans le temps...
2007, la gauche française a changé. Elle a mis à sa tête une femme qui n'aurait pas dénoté dans ce cortège de mémères emperlousées prônant la famille nombreuse, la victimisation, le judiciarisme permanent, le "redressement" des enfants en camp militaire.
Cette femme porte une étiquette, un Post-It siglé PS.
Tu te retrouves dans des dîners où l'on te dit vouloir "s'abstraire de la personne et voter pour une étiquette". Les choses sont claires.
Ségolène Royal met en scène son personnage sous fond d'autoritarisme et de culte de la personne, ce qui, ajouté aux références militaires, à l'obsession familiale et à un fort catholicisme occulté, définit un profil type assez peu progressiste, aux relents pétainistes voire poujadistes.
Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin sont journalistes au Monde. La femme fatale relate mois après mois l'ascension de Ségolène Royal, sa stratégie, ses mensonges, ses rancunes. Le livre confirme l'impression diffuse qui filtrait au travers de l'opacité du dispositif d'une candidate dont la campagne fut, en grand secret, la plus marquettée de l'histoire de la politique française. Le produit, la marque SR, vendu comme des savonnettes au gré des enquêtes d'opinion. "Vous avez raison" comme seul discours d'une candidate méprisant ses adversaires mais aussi le Parti Socialiste. S'éffondre également le mythe d'une candidate qui aurait été attaquée par les médias: on constate au contraire à quel point la presse fut indulgente pour une campagne littéralement sans fond, soutenue par une inteligentsia parisienne en mal d'idées (BHL).
Le livre se lit comme un roman mais aurait peut-être mérité quelques développements supplémentaires sur certains épisodes de la campagne ségoléniste.

BI

16 juin 2007

Newsweek

Pour ceux d'entre vous qui lisent l'anglais, le numéro de Newsweek daté du 4 juin comporte quelques articles intéressants au premier rang desquels une étonnante apologie de la France par Bill Maher dans un article intitulé Hillary Equals France. Une fois de plus, il semble que la vision monobloc que nous avons en France des États-Unis soit loin de refléter la complexité de ce pays, qui est, rappelons-le, mon pays natal. On trouvera par ailleurs un reportage sur l'ouverture du nouveau musée du Bauhaus à Dessau et un article-bilan du Festival de Cannes mentionnant notamment Le Scaphandre et le Papillon de Schnabel avec Amalric dont on apprend que le rôle devait initialement être tenu par Johnny Depp. Enfin, le magazine US clot sur un entretien avec Richard Rogers (Designing the future). Le co-auteur du Centre Georges Pompidou, qui vient de recevoir le Pritzker Prize (l'équivalent du prix Nobel pour l'architecture), est depuis quelques années conseiller du maire de Londres pour l'architecture et l'urbanisme. Il explique brièvement sa conception d'une ville plus écologique.

BI

12 juin 2007

Le scaphandre et le papillon

En décembre 1995, Jean-Dominique Bauby est victime d'un accident vasculaire qui le plonge dans le coma. Lorsqu'il se réveille, le journaliste est immobilisé, entièrement dépourvu de fonctions motrices. Seul son oeil gauche bouge encore. Passés les premières semaines de désespoir, il entreprend d'écrire un livre sur son expérience, clignant de l'oeil alors qu'une thérapeute lui récite l'alphabet. Le titre de ce livre "le scaphandre et le papillon", décrit la manière dont Bauby voit son "lock-in syndrom": la vie d'un scaphandrier (la notion de champ et de hors champ est évidemment primordiale puisqu'il ne peut tourner sa tête) autour duquel tournoie un papillon.
Le sujet est anti-cinématographique par excellence. Amalric doit incarner un homme sans mouvement. Le jeu d'acteur se limite au mouvement d'un oeil, d'une paupière, et à la tonalité d'une voix off. Le film se déroule entièrement dans l'hôpital où Bauby repose. Visites de sa femme et de ses enfants, visions épiphaniques de la beauté d'une infirmière... Julian Schnabel réussit le tour de force de rendre à la vie cet homme, de lui rendre hommage, par une grande inventivité cinématographique et picturale sans pathos inutile. Un hymne à la vie et aux femmes.

BI



10 juin 2007

L'immeuble Yacoubian

Un peu à la manière du Georges Pérec de La vie mode d'emploi, Alaa El Aswany nous peint le portrait d'une époque égyptienne (celle des années 90) au travers de l'existence de personnages liés à la vie d'un immeuble du Caire. Existences croisées, destins parallèles. Nostalgie d'un âge d'or où l'Egypte accueillait des exilés de tous pays... Francophilie, références à Piaf. On pense à Dalida, à Claude François.
Hommage à la liberté, à l'hédonisme mais aussi description de la montée de l'intégrisme. Ces thèmes, comme celui - très tabou- d'une homosexualité pourtant omniprésente dans une société où les hommes et les femmes ne se croisent plus guère, sont abordés par le biais de l'histoire de personnages individuels, ce qui évite au livre tout didactisme. Dans son essai l'art du roman, Kundera décrivait le roman comme le lieu du doute et de la complexité, tout le contraire de l'oeuvre "engagée", "à message".
Par cette fresque attachante, drôle et émouvante à la fois, l'auteur réussit mieux que tout discours à nous faire partager ses valeurs.

BI