29 novembre 2009

The informant de Steven Soderbergh

Soderbergh est un réalisateur très productif qui crée chaque année deux à trois longs métrages toujours intéressants, parfois géniaux, qui s'ajoutent à un cv des plus hétéroclites. The informant est une sombre histoire d'espionnage industriel dans le monde de l'agro alimentaire, le genre d'histoire dont la lecture du résumé vous ferait passer le remplissage de votre feuille d'impôts pour une expérience enrichissante. Mais derrière la banalité apparente des personnages, de la photo, des costumes (on est au début des années 90), se cache un film étonnant et détonnant, jubilatoire de bout en bout. Matt Damon grossi interprète un personnage à la naïveté ambiguë, une victime du système qui au final se révèle elle-même monstrueuse.

Conseillé!

Le Littérroriste

31 octobre 2009

Lire la photographie de Ferrante Ferranti

Nous vivons dans un monde sursaturé d'images, où le signifiant et le signifié entretiennent des rapports complexes. Nous générons des milliards d'images qui s'amassent sur nos disques durs sans pour autant prendre sens, sans pour autant nous délivrer du sens. Le petit livre de Ferrante Ferranti tente d'ouvre les portes à une vision critique de l'image, dans laquelle les circonstances de la prise de vue ont un poids. C'est que Ferranti ne s'intéresse pas à l'imagerie 100% numérique, au collage digital d'images recomposées, remixées. Le photographe privilégie une photographie qui entretienne un rapport au temps ambigu: reflet de l'instant, du fragment, mais pensée dans une démarche globale, préméditée.
Petit catalogue de photos commentées qui s'inscrivent dans des thématiques, petit musée de l'auteur, non pas fait de chefs d'œuvre enchainés, mais de clichés entretenant des liens entre eux.

Joli petit livre.

Le Littérroriste

26 octobre 2009

District 9

Les aliens ne sont pas comme nous. Je ne suis pas raciste, mais je pense qu'il vaut mieux pour tout le monde que l'on reste chacun chez soi.
Prenez ces crevettes par exemple. Ne sont-ils pas répugnants, ne vivent-ils pas tels des larves dans ce bidonville sudafricain, depuis leur arrivée calamiteuse, il y a de ça plusieurs années ? Et la cohabitation avec les locaux ,ne se passe-t-elle pas très mal ?
Heureusement, les services dits publics vont organiser un petit déménagement de tout ce beau monde, pour les reloger un peu plus loin.
L'opération va mal tourner, la rencontre entre les deux espèces va finalement advenir par hasard, suscitant l'inimaginable.

Un film trash, inventif, drôle et profond à la fois, à plusieurs niveaux de lecture.

NON-HUMANS BANNED !!!

Le Littérroriste

25 octobre 2009

Le saule d'Hubert Selby Jr

1998, le bronx. L'horreur, la violence pure. Un adolescent noir et une latino sortent ensemble et se font agresser par un gang local qui ne supporte pas le mélange des genres. Il est tabassé à mort, elle est défigurée à l'acide. Il part se réfugier au loin, recueilli en mauvais état par un faux clochard âgé qui vit dans une semi clandestinité. Elle se suicide à l'hôpital. Germe l'idée de la vengeance alors que le vieil allemand soigne l'adolescent. Apprentissage de la douceur, du cool dirait-on, alors que le corps se répare et que l'heure du châtiment approche.

Livre magnifique, langage vrai, d'un écrivain qui lui aussi a connu l'enfer.

Le Littérroriste

04 octobre 2009

Very bad trip

Courez voir ce film délirant, encore à l'affiche dans quelques salles parisiennes. Un concentré de sexe, de drogue et de rock'n roll explosif, balayant définitivement toute notion de politiquement correct. Le prétexte : une bande de copains se retrouve à Las Végas pour un enterrement de vie de garçon. Entre drogue du violeur, tigre de Mike Tyson, prostituée au grand coeur, maffieux chinois homo et disparition du futur marié, le cocktail prend tout de suite, servi par une réalisation inspirée.

Le Littérroriste

13 septembre 2009

L'imaginaire érotique au Japon d'Agnès Giard

Livre magnifique, très abondamment illustré, L'imaginaire érotique au Japon nous dévoile toutes les facettes des fantasmes japonais, entre high-tech et rites primitifs shinto, rites de fertilité et cauchemards post-nucléaires, bondage et poupées. Univers foisonnant et fascinant d'un ouvrage qui ne tombe jamais dans la vulgarité, aborde tous les thèmes avec humour tout en les replaçant dans une perspective historique qui est ici, plus qu'ailleurs, fondamentale. Impossible de comprendre cet imaginaire sans saisir le poids de la défaite de 1945 ou de l'héritage shinto, par exemple. Agnès Giard parvient à nous transmettre un contenu très riche : ce livre, comme toute chose au Japon ("homme, femme, papillon, pierre ou fleur") a lui aussi une âme.

En bref, un ouvrage à ne pas mettre entre toutes les mains... mais à mettre entre toutes les autres !

Le Littérroriste

12 septembre 2009

Seul le silence - R.J.Ellory

Encore une énième histoire de serial killer ? Oui, mais quand on aime, on ne compte pas, on ne compte plus... les petites filles assassinées. Et Ellory n'est pas Ellroy, il développe ses propres obsessions, son propre rapport au passé, au souvenir. Histoire d'un destin tragique, histoire d'une impuissance face au mal qui ravage le monde autour du narrateur année après année, Seul le silence captive de bout en bout, s'enfonçant dans la noirceur avec délices.

Le Littérroriste

10 septembre 2009

Beautiful People

Le livre D'Alicia Drake se plonge avec délice dans les turpitudes et mesquineries des deux grands couturiers Saint Laurent et Lagerfeld. L'envers du décor n'est pas très propre, les miroirs y renvoient à l'infini les jeux de l'ego, du pouvoir, du sexe sordide et du carriérisme assoiffé de jeunes garçons prêts à tout pour réussir, s'il le faut au fond du lit des maîtres.

Le Littérroriste

06 septembre 2009

Ornette Coleman - La Villette

Ornette, encore et toujours. D'année en année, de plus en plus de mal à atteindre le petit bout de scène où il restera planté pendant tout le concert, son sax, son violon et sa trompette à portée de main. Son fils, derrière, mixé très bas, qui se jette à corps perdu dans une bataille bruitiste. Un contrebassiste pince sans rire, un bassiste plus sobre, car peut-être encore trop respectueux.
L'étrangeté et l'émotion, l'individu et le groupe. Les voix individuelles comme en cacophonie qui finissent par converger dans l'harmonie pour se séparer plus tard. L'impression d'ouvrir la fenêtre, d'entendre les bruits de la rue, de la ville, de la vie, comme une recréation de la société. Emprunts classiques utilisés comme des collages, avec encore de l'humour, de la poésie.

C'est toujours pareil, et c'est toujours bien.

Fin du set, ferveur collective, les spectateurs descendent vers la scène, autographes... Bis : Lonely woman, émotion au rendez-vous. Les fans n'ont pas quitté le pied de la scène où chacun lutte pour pouvoir toucher le grand homme, peut-être une dernière fois.

Le Littérroriste

19 juillet 2009

Le roi de l'évasion

Lassés d'un cinéma français finalement plus formaté que son anti-modèle américain? Fatigués de voir toujours les mêmes acteurs jouer toujours les mêmes scénarios aux présupposés éculés et politiquement corrects ?
Ce film d'Alain Guiraudie est fait pour vous.
Ici, pas de bons et de méchants, pas de victime, mais des êtres de chair et de sang confrontés au choix et à son corollaire, l'indécision. Armand, vendeur en matériels agricoles, homosexuel vieillissant et gras, vit une crise de la quarantaine qui le voit se troubler - entre deux flirts sur les lieux de drague gay - pour une adolescente sensuelle, fille de l'un de ses amis. Dans le roi de l'évasion, les homosexuels ne sont pas des figures rimbaldiennes ou christiques ni des top-models émaciés mais des hommes communs, dans la fleur de l'âge, qui ne vivent aucun sacrifice mais les questionnements de tout un chacun. Scènes de sexe assez explicites avec une dose d'humour permanente, un côté rabelaisien qui cadre avec le lieu (le Sud-Ouest près d'Albi) des (d)ébats. Les faux-semblants sont laissés de côté dans un film qui dédramatise les choses (l'homosexualité, l'amour avec une mineure, les hallucinogènes,etc.) , aux antipodes de notre chère Ségolène R. Rien de glauque, rien d'infantile, pas de discours pro ou anti homosexualité, après la fuite éperdue d'Armand (Ludovic Berthillot) et de sa jeune dulcinée (Hafsia Herzi), ponctuée d'étreintes champêtres, le film se referme sur une scène cocasse, orgie sylvestre homo dopée aux hallucinogènes, orgie qui ne tranche en rien sur le dilemme d'Armand, entre voile et vapeur.
Le film d'un esprit libre, loin des cynismes convenus de l'industrie du film parisienne, cette "grande famille" qui selon Gérard Darmon, n'existe pas.

Le Littérroriste




12 juillet 2009

Né dans la rue - Graffiti

Comment exposer le graffiti dans un lieu neutre, où les œuvres sont interchangeables ? La Fondation Cartier tente de répondre à cette question avec cette exposition, qui envahit les espaces intérieurs de la Fondation, mais aussi son environnement (palissade de bois disposée le long de la façade sur rue). 35 ans après, comment montrer l'aventure new-yorkaise de Lee Quinones, Futura 2000 et autres Lady Pink ?
Le dispositif de Né dans la rue a au moins le mérite d'être simple : au rez de chaussée: une salle pour les "héritiers" du mouvement (sans grand intérêt, avec un manque de mise en perspective des auteurs vraiment problématique) , et une salle de projection, beaucoup plus intéressante, avec notamment un documentaire sur les pixadores de Sao Paulo pour qui les bâtiments de Sao Paulo deviennent réellement les pages d'un écrit gigantesque.
Au sous-sol, les murs périphériques reproduisent des fresques restées célèbres. Malheureusement, l'éclairage et le manque de recul ne permet pas de les apprécier correctement. Quelques photos de rames de métro refaites à la sauce hip-hop nous permettent de distinguer les différents styles graphiques du début des années 80. Des armes de guerre (les bombes de peinture, les clés permettant d'ouvrir les rames de métro, un uniforme de chaminot pour mieux s'introduire dans les terminaux du métro) précédent la liste touchante des morts au front, décapités par des ponts, coupés en deux par des rames, etc.) Des extraits de Wild Style (avec Lee Quinones dans le rôle principal) sont projetés, entre un Basquiat (avec qui Quinones a partagé un atelier au début de sa carrière) et un Keith Haring. Enfin, une projection signée Evan Roth capte la gestuelle de l'acte calligraphique en une vidéo noir et blanc pixellisée du plus bel effet.

Au final, une exposition intéressante, même si elle échoue à représenter clairement la genèse des motivations, des pratiques et des styles.

Le Littérroriste

ps: pour la route, une photo de Lee devant le garage de son atelier, prise par votre serviteur en 2000, photo évidemment inédite.


02 juin 2009

Le contraire de la mort

Roberto Saviano, condamné à mort par la Camorra à l'âge de 27 ans, vit depuis la parution de Gomorra dans la clandestinité. Il nous livre ici un texte très personnel, le portrait d'une jeunesse sacrifiée. Le contraire de la mort n'est pas une suite du livre (adapté au cinéma par Matteo Garrone) qui lui a à la fois offert célébrité et fatwa. Destins tragiques tels celui de cette amie dont le petit ami s'est enrôlé dans les forces alliées en Afghanistan parce qu'il ne trouvait pas de crédit pour se marier et acheter sa maison ou celui de ces jeunes tués "par défaut" par des camorristes, histoire indicible, que Saviano ne pourra livrer à une belle du nord.
Littérature essentielle, loin des poncifs et du nombrilisme parisiens. Un style au service du fond. La confirmation de la naissance d'un vrai écrivain.

Le Littérroriste

03 mai 2009

Love & Pop

Le Japon fascine, étonne, interroge. Les évolutions de la culture japonaise contemporaine, depuis 1945 à aujourd'hui, sont toujours source de questionnement pour les européens raisonnables que nous sommes. Une conception très particulière de l'érotisme n'y est pas étrangère. Les romans clé japonais nous arrivent malheureusement toujours avec quelques années de retard, tel ce Love and pop sorti en 96 au Japon, et tout juste traduit en France.
Difficile donc de comprendre en quoi l'oeuvre de Murakami Ryû a pu marquer à sa sortie. Depuis, les pratiques inavouables des lycéennes japonaises (rendez-vous, exhibitions, revente de sous-vêtements portés, etc.) ont été largement divulguées en Occident. Reste la fausse naïveté d'une écriture inspirée de Bret Easton Ellis dans sa forme (mélange de dialogues, de fragments d'annonce, d'énoncés de marques...), celle du récit d'une journée d'Hiromi, 16ans, prête à tout ou presque pour acheter la bague de ses rêves. Le roman, issu d'une enquête de l'auteur dans le milieu des réseaux téléphoniques érotiques, a été adapté au cinéma en 2007 par Hideaki Anno.

Frais, divertissant et un peu superficiel, le roman esquisse néanmoins le constat d'une jeunesse vouée au culte des marques et d'une normalisation totalitaire.

Le Littérroriste.


26 avril 2009

Microfictions de Régis Jauffret

1000 pages. 500 histoires sur deux pages, chaque hsitoire racontée par un de ses protagonistes. Vision clinique, quasi statistique d'un monde en perdition. Vies solitaires, tentations autodestructrices, inceste, violences, folie. Misère économique, sexuelle.
Le tableau teinté d'humour noir que dresse Régis Jauffret de notre humanité n'est pas des plus réjouissants. Impressionnisme littéraire, portrait du tout par petites touches, accumulation. Apparitions furtives de l'auteur lui-même qui dresse de sa personne un portrait au vitriol.
Un livre magistral, qu'il est nécessaire de lire d'un bout à l'autre, d'"Albert Londres" à "Zoo" pour que le tableau soit complet, s'achevant d'ailleurs par l'une des apparitions de Jauffret lui-même :
"Je suis l'auteur de Microfictions ! Un livre qui d'après mon amie était passé directement de l'imprimerie au pilon."
Exorcisme, superstition : le livre est vivant, il est un cri d'une violence inouïe, violence qu'avaient pu approcher les heureux spectateurs de la lecture publique de Microfictions donnée au Théâtre du Rond Point lors de la dernière Nuit Blanche à Paris. Lors de cette nuit, de nombreux acteurs s'étaient relayés sur scène avec l'apparition furtive de Jauffret lui-même dont la lecture avait été d'une nature complètement différente, sans aucune trace d'humour, sans second degré, dans une urgence, un désespoir stupéfiants .

A lire.

Le Littérroriste.



19 avril 2009

Tokyo Sonata

Le film de Kiyoshi Kurosawa met en scène une famille japonaise d'aujourd'hui. Lui a un emploi dans le tertiaire, elle reste à la maison. L'aîné des deux fils poursuit ses études et distribue des tracts pour se faire de l'argent de poche. Le benjamin est au collège ou son franc-parler lui pose des problèmes.
Famille qui semble fonctionner, avec les non-dits de toute famille du monde dit développé.
Rapidement, les choses éclatent. Le père est subitement licencié, et continue à faire semblant de se rendre au boulot tous les matins. Le plus jeune des fils détourne l'argent de la cantine et prend en secret des cours de piano auprès d'une voisine. L'aîné s'engage dans l'armée aux côté des américains et part en Irak. La communication s'est peu à peu perdue. Elle reposait sur des implicites, des choses qui, devant aller de soi, ne sont plus discutées. Quand la situation change, le silence reste, mais dissimule alors des mensonges par omission.

Portrait réaliste d'un Japon qui nous ressemble. La mère de famille suit un cambrioleur, quitte son foyer pour vivre quelques jours auprès d'un autre exclu qui finit par précipiter sa décapotable volée dans l'océan.

Retour au bercail, retrouvailles en silence. Séquence finale : le jeune pianiste passe une audition pour une école de piano prestigieuse. La transgression (la sienne, celle de la mère qui a fauté) et l'humiliation (le père renvoyé, forcé de travailler à l'entretien d'un centre commercial) sont intégrés, la vie peut recommencer.

Beau film sur l'absurdité du monde que nous nous sommes créés, sa violence cachée.

Le Littérroriste

29 mars 2009

Robert Frank au Jeu de Paume

Deux séries sont présentées : Americans, peut-être le travail le plus célèbre de Robert Frank, réédité récemment, et Paris, datant du début des années 50, alors que le photographe était installé à New-York. Americans : regard très particulier, entre documentaire et subjectivité, réalisme social et onirisme, sans effet de manche, sans tralala. Désacralisation du rêve américain d'un côté et re-création d'une mythologie de l'autre, mythologie d'un quotidien urbain qui frise parfois l'étrangeté. La série sur Paris est moins constante et nous touche moins, peut-être parce que cette ville nous est mieux connue que la complexité du continent USA, que nous manquons de cette distance chère à l'anthropologue.

En prime, les films du maître.

Le Littérroriste


17 mars 2009

Gran Torino de Clint Eastwood

Clint Eastwood a assez de recul et d'intelligence pour jouer de sa légende, comme des malentendus qui l'encombrent. Jadis traîné dans la boue par la gauche (les catholiques de gauche ?) qui le traitait de fasciste et ne décelaient pas les bribes d'humour dont il parsemait son oeuvre comme les réelles avancées politiques que ses films traduisaient, Eastwood joue à se peindre comme un vieux réac armé sirotant des bières sous sa véranda tout en râlant sans cesse contre les basanés et les jaunes du quartier. Itinéraire initiatique inversé où un jeune asiatique va peu à peu faire évoluer le vieil homme qui trouvera dans une mort orchestrée le point d'orgue d'une vie myhtique, mythique comme la Gran Torino parfaitement astiquée qui le renvoie sans cesse à sa grandeur passée, à ses rêves enfuis. Un beau film, qui n'atteint toutefois pas l'intensité dramatique de Mystic River par exemple. La faute peut-être à une photo moins maîtrisée et à l'absence de temps morts, de moments où le film s'inscrirait dans le lieu, dans sa texture, sa matière.

A voir, quoi qu'il en soit, évidemment.

Le Litterroriste

15 mars 2009

Mort d'Alain B.

Petit moment de tristesse hier, Alain Bashung nous a quittés. Les Victoires de la Musique lui avaient rendu un hommage qui sentait bon le sapin, mais nous n'imaginions pas que la fin serait si rapide.
Hommage donc à un être qui a su garder sa ligne, si chaotique et tortueuse qu'elle ait été, un musicien qui a su concilier exigence et popularité, qui a connu l'un de ses plus gros succès avec un album (l'imprudence) radical et expérimental. Quelques bribes de souvenirs : ce concert à Toulouse dans une boîte de nuit de banlieue à l'époque de Novice (cf pochette ci contre), concert où il était apparu, après dix minutes de guitares électriques dans uen obscurité totale, lunettes noires et pantalon de serpent.
La tournée des grands espaces, au Bataclan avec ce moment éprouvant pour les anciens fans où il avait tenu à chanter avec sa femme. Et cette dernière fois, à la Cité de la Musique, entouré de ses amis, moment chaotique, bordélique, qui résonnait en moi comme la transposition de ma vie d'alors.
Élégance, exigence, vision esthétique. A l'écart des modes. Trop timide et trop vrai pour aimer le show-bizz.

De tels personnages sont rares. Réminiscences de la disparition de Desproges.

Le Littérroriste

14 mars 2009

Le démon d'Hubert Selby Jr.

Hubert Selby Jr. a 48 ans quand il publie Le démon. Le personnage principal, Harry White est un jeune employé prometteur dans une société new-yorkaise. Ses pulsions intérieures le poussent à mettre en danger son avenir professionnel puis sa vie affective et familiale. Il est question de sexe, de pouvoir, de faux-semblants, de meurtre. Le modèle américain l'est-il pour tous ? Pourquoi quelque chose pousse-t-il certains à tout mettre en l'air, n'est-ce qu'un "dommage collatéral" ou en réalité l'objectif caché d'une spirale destructrice ?
Une fois de plus, le style séduit. Aucun dialogue au sens propre du terme, c'est à dire au sens questions/réponses mais des conversations insérées au coeur du texte, indissociables de l'action.

A lire.

Le Littérroriste

07 mars 2009

L'empiafée, one woman show

One woman show délirant, L'empiafée croise le café-théâtre du Splendid avec Edith Piaf. Si le spectacle se tient de bout en bout, c'est que le discours n'est jamais révérencieux. Chaque chanson prend place dans une intrigue grâce à des arrangements qui flirtent avec tous les genres musicaux. Car Christelle Cholet est une vraie chanteuse, dont le physique mi-bombasse mi-Zézette cache une technique vocale sûre. Un spectacle jubilatoire, actuellement en tournée en France, de retour à Paris début avril.

Le Littérroriste

01 mars 2009

Les "Victoires" de la musique 2009

Décidément, la variété franchouillarde sombre année après année. Les professionnels de la profession, comme disait ce cher JLG, semblent ne pas comprendre qu'ils épuisent eux-mêmes leur fonds de commerce en faisant la promotion de ce qu'il y a de plus insipide, de plus faux, de plus rabâché. Certes, Bashung a raflé plein de récompenses, mais qu'avait-il à prouver ? Son dernier album était-il le meilleur, notamment si on le compare au précédent, le superbe L'imprudence ?

Ne fréquentant pas les salons de coiffure, je ne sais pas de quoi Bashung est malade, pourquoi il a tant maigri, et cache un crâne qu'on imagine entièrement lisse. Toujours est-il que ces trophées sonnaient comme un enterrement programmé avec aux commandes le très visqueux Nagui qui ne rate aucune occasion de célébrer les poncifs journalistiques (le "grand monsieur de la chanson française", etc.)
Passons également sur ce constat inquiétant : plus de la moitié des artistes présents sont, pour ainsi dire, des fils à papa: Arthur H (Jacques Higelin), Thomas Dutronc (fils de Jacques), Martin Rappeneau (fils de Jean-Paul le réalisateur), Vincent Delerm (fils de Philippe l'écrivain). Manquaient à l'appel M (fils de Louis Chédid lui même fils d'Andrée Chédid, écrivain), la chanteuse de Superbus (fille de Chantal Lauby) et la fête eut été plus complète.
Mais il y a beaucoup plus grave que ce côté "famille du spectacle", autrement dit "on reste entre nous". Il y a la médiocrité aspetisée des mutants de la télé-réalité qui nous assènent année après année leurs personnages préfabriqués, leurs chansons sans âmes aux tics vocaux devenus comme une marque de fabrique, celle d'une industrie en perte de vitesse qui n'a pas réalisé que seul un retour à un peu d'authenticité, de recherche et d'originalité pourrait redonner envie d'écouter de la musique. Car ce que masquait cette cérémonie pleine de bons sentiments, remplies à ras-bords de soi-disants artistes engagés aux rengaines minables et aux textes aux relents fascisants (Cali, Saez), c'est que la baisse des ventes de disques n'est pas compensée par l'essort du numérique. En bref, on achète de moins en moins de musique : le public se désinterresse de cette industrie, de ses stars imposées qui depuis 40 ans trustent les ondes, de ses petits copinages, de ce marketing qui vend de la musique comme on vend de la soupe.

Dommage donc, le cru 2009 comportait de bonnes bouteilles, mais ni les imaginatifs the DO, ni l'émouvante Berry, ni la talentueuse Yael Naim, ni enfin la belle Micky Green n'ont eu la reconnaissance qui leur eut permis d''augmenter leur diffusion : plébiscite de la profession à l'insupportable Julien Doré (dont l'album Ersatz porte bien son nom) et aux inventeurs de l'eau tiède les BB Brunes, qui nous balancent un rock aseptisé en nous donnant vraiment l'impression de se prendre pour des punks purs et durs.

Au final comme l'impression d'assister, de loin, au naufrage du Titanic.

Le Litterroriste



21 février 2009

Morse, un film de Tomas Alfredson

Le film de Tomas Alfredson conte l'histoire étrange d'un garçon comme les autres, juste un peu plus timide, un peu plus rêveur, qui, un hiver, rencontre devant son immeuble de la banlieue de Stockholm sa nouvelle voisine, voisine qui court pieds nus dans la neige et jamais ne voit la lueur du jour. Oskar comprend peu à peu que la petite voisine avec laquelle il communique en morse à travers la cloisons qui sépare les deux appartements, est un vampire, qu'elle ne se nourrit donc que de sang humain, condamnée à tuer pour survivre.

La réussité du film tient dans son absence totale d'effets spéciaux extraordinaires. Le film est traité avec une sobriété exemplaire qui renforce la vérité de ces instants où la petite fille revient à elle, la bouche pleine de sang.
Les acteurs sont formidables. Les enfants n'y sont pas traités comme des larves décérébrées mais comme des êtres pensants, aux pulsions contradictoires.
Un film inclassable qui se situe à peu près aux antipodes des productions françaises actuelles.

Highly recommended

Le Littérroriste

07 février 2009

Le bar à Joe de Munoz & Sampayo

Si comme moi vous ne connaissez rien à la BD argentine, ne vous laissez pas impressionner par une couverture hideuse et faites un détour vers le Bar à Joe. On y brasse des histoires new-yorkaises de boxer déchu, d'arnaqueurs patentés, de femmes de petites vertus. Un graphisme d'un noir et blanc très expressif vient servir des histoires qui quoiqu'autonomes, forment un tout, partageant des personnages récurrents. On pense bien-sûr à Hubert Selby Jr. (Last Exit to Brooklyn), même si, ici, on est moins dans le compte-rendu social d'une violence émergente, et plus dans l'onirisme de légendes urbaines.

A recommander.

Le Littérroriste

04 février 2009

Storytelling de Christian Salmon

Sous titré la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, l'ouvrage se voudrait une enquête journalistique rigoureuse visant à analyser les origines de ce nouveau paradigme que constitue le storytelling. Malheureusement, l'ouvrage de Christian Salmon, s'il s'annonçait alléchant, peine à dépasser le stade des généralités : les exemples qui y sont donnés (tant dans le domaine du commercial, que du politique ou même du militaire) y sont insuffisamment disséqués, comme si l'énonciation de certains faits historiques dénuée de toute analyse pouvait tenir lieu de démonstration.
Storytelling reste un ouvrage au propos intéréssant, un ouvrage qui malgré des parti-pris parfois systématiques peut servir de point de départ à une réflexion sur cette tendance fondamentale du discours contemporain qui substitue l'anecdote à l'analyse.

Le Littérroriste

18 janvier 2009

Céfalus de Ludovic Debeurme

Chez Ludovic Debeurme, la frontière entre le réel, le rêve ou l'inconscient est perméable. Son dessin sec, en noir et blanc, met en scène des personnages au psychisme perturbé, dont le corps reflète les tourments. Détournement de contes de fées et de légendes, bestiaires fantastiques sont au service d'un récit poétique et attachant.

Le Littérroriste

PS: la page perso de l'auteur

06 janvier 2009

L'homme qui marchait sur la lune d'Howard McCord

L'homme qui marchait sur la lune est le roman d'une quête, quête du silence, quête de la solitude, quête d'une vie vouée à la survie, une vie où le corps reprend ses droits.
Un homme gravit une montagne, une montagne pelée, banale, qui n'a rien de mythique. Il se sent poursuivi, sans apercevoir son poursuivant. Nous ne savons rien sur lui. Ses pensées nous révèleront peu à peu qui il est, jusqu'à ce que l'acte final éclate.

Un livre sec, aride et vrai.

Le Littérroriste

04 janvier 2009

L'art de la pensée négative de Bard Breien

Film à petit budget, caméra à l'épaule. Dans l'art de la pensée négative, les handicapés s'insurgent, rejettent le discours mielleux de l'assistante avec son accompagnement psychologique, son moralisme fataliste et son hypocrisie permanente. Un petit côté Festen. On parle, on se bat, on s'aime, on se déchire. Les non-dits explosent. La nuit recèle son lot de vérité, c'est au sein de sa quiétude que les blessures cicatrisent.

Un beau film.

Le Littérroriste

03 janvier 2009

No country for old men de Cormac McCarthy

Avant de devenir un film des frères Coen, No country for old men est avant tout un formidable roman de Cormac McCarthy, l'histoire d'une fuite désespérée, d'une traque impitoyable, d'une mise à mort programmée. Récit haletant de la première à la dernière page, le temps de prendre le train d'un style dense, sans fioriture, d'où tout ce qui est inutile est absent. Trois personnages principaux: le fugitif heureux (?) découvreur d'un pactole en liquide, le tueur sans état d'âme et le vieux shérif qui doute de plus en plus de son rôle. Tout ça prend place dans les grands espaces que seule la littérature américaine sait restituer, cadre idéal de cette chasse à l'homme qui ressemble à s'y méprendre à une partie de chasse.

Le Littérroriste

02 janvier 2009

Two Lovers de James Gray

Le dernier film de James Gray (La nuit nous appartient) avait su nous plonger dans un univers envoûtant, entre violence et onirisme. Two Lovers traite d'autre chose, d'une histoire d'amour imparfaitement partagée entre devoir familial (le mariage au sein de la communauté juive, qui arrangerait bien les affaires familiales) et passion dangereuse (Gwyneth Paltrow, magnifique) pour une voisine amoureuse d'un autre lui-même inaccessible. Dans ce jeu où les destins semblent joués, les situations vouées à rester en place, le personnage principal va introduire le risque... trop tard car la prise de risque d'un autre le condamnera au status quo.

Un très beau film, avec peut-être la dernière apparition de Joaquin Phoenix à l'écran.

Le Littérroriste