12 novembre 2008

Gomorra, le livre de Roberto Saviano

Il faut avoir lu le livre de Roberto Saviano, jeune journaliste freelance napolitain, pour comprendre à quel point son adaptation à l'écran constitue une oeuvre minimaliste. Le foisonnement d'informations que porte une plume passionnée, celle d'un homme qui écrit de l'intérieur, pusiqu'il est né et grandi dans cette violence, ne pouvait être transcrit tel quel. L'atrocité de certaines scènes aurait porté le film vers un sensationnalisme complètement étranger à l'oeuvre de Saviano.
Description implacable, cri de désespoir d'un habitant à sa terre, terre pourrie littéralement, enfouie sous les déchets toxiques de toute l'Italie qui contaminent nappes phréatiques, cultures, lait de bufflones et donc mozzarella. Système global, globalisé, à l'échelle mondiale. La Chine, la Colombie, les travailleurs africains. La dope, le béton, le textile, les ordures.
L'impossibilité du futur est gravée dans les idéaux: les adolescents rêvent de vivre vite, avec du pouvoir, de l'argent et une mort violente. Leur expliquer que l'existence de camorriste ne mène à rien, que les guerres intestines les tueront très vite, est sans objet puisque c'est justement cela qu'ils recherchent.
On ne sort pas du système. S'en approcher, même de loin, c'est risquer sa vie. On tue l'ami, la copine, la soeur, le copain de la soeur de quelqu'un que l'on veut attendre. On fait exploser des cadavres à coups de grenades au fond de puits dissimulés dans la campagne de Campanie.
Des pages poignantes, comme celles où Saviano explique qu'il sait aujourd'hui lire le réel et plus précisément le construit, qu'il sait y voir la part de souffrance et de sang dissimulé.

Un livre exceptionnel, dont on sort changé.


Le Littérroriste